Vincennes, le 12 mai 2016
COMMUNIQUE DE PRESSE
Amiante : Eternit devra payer !
La cour administrative d’appel de Versailles a rejeté les demandes de la société Eternit visant à obtenir le remboursement par l’État d’une partie des sommes auxquelles le plus gros fabriquant d’amiante ciment avait été condamné à verser à une victime décédée à 51 ans d'un mésothéliome au titre de la faute inexcusable de l’employeur. Une victoire pour la veuve et l’Andeva, intervenantes dans la procédure, et au-delà pour l'ensemble des victimes de l'amiante qui ne supportent plus que les responsables de la catastrophe parviennent à échapper à toute sanction.
« Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». C’est, pour résumer, le message que la Cour administrative d’appel de Versailles à fait passer à la société Eternit dans son arrêt du 10 mai dernier. Condamnée des milliers de fois à indemniser des victimes de l’amiante au titre de la faute inexcusable de l’employeur, l’entreprise a enclenché depuis quelques temps une nouvelle stratégie judiciaire visant à demander aux tribunaux administratifs de reconnaître la co-responsabilité des pouvoirs publics dans les expositions professionnelles des salariés et à lui rembourser de ce fait une partie des sommes auxquelles la justice l’avait condamnée à indemniser les victimes.
En première instance, le tribunal administratif de Versailles avait suivi le raisonnement d’Eternit et avait condamné l’État à verser à la société la somme de 160 766 euros en remboursement de la moitié de l’indemnisation perçu par une victime de l’amiante, M. Bazin, contaminée dans l’établissement de Saint-Grégoire (Ille et Vilaine) et décédée d'un mésothéliome à 51 ans. Pour ce faire, le tribunal avait estimé qu’avant la première réglementation spécifique amiante de 1977, les pouvoirs publics avaient failli à leur mission régalienne d’édicter la réglementation censée protéger les travailleurs des dangers d’un matériau dont la toxicité était pourtant bien établie depuis plusieurs dizaines d’années. Ce raisonnement avait également été suivi par d’autres tribunaux administratifs saisis par d’autres entreprises ayant été condamnées au titre de la faute inexcusable de l’employeur dans des affaires d’amiante.
L’État a fait appel de ces jugements. Madame Bazin et l’Andeva, représentées par Maître Frédéric Quinquis du Cabinet Michel Ledoux et associés, ont décidé d’intervenir dans la procédure, pour éviter que la charge financière d’employeurs responsables de milliers de morts ne soit réduite. Nous estimons en effet que, si les pouvoirs publics ont bien tardé à prendre des mesures de prévention efficaces pour protéger les salariés, il est inacceptable que des entreprises comme Eternit revendiquent un partage des frais avec l’État en invoquant les insuffisances d’une réglementation sur les poussières qu’elles n’ont jamais respectée. Une réglementation dont leur action efficace de lobbying a contribué à réduire les contraintes et à retarder l’interdiction, en minimisant sciemment les dangers de ce matériau mortifère.
Les magistrats de la cour administrative d'appel de Versailles ont suivi notre argumentation. Dans leur arrêt, ils ont estimé que, malgré les carences des pouvoirs publics, la société Eternit « n’établit pas avoir pris la moindre mesure particulière de protection individuelle et collective de ses salariés exposés avant 1977, et en particulier de M. Bazin, par des installations efficaces, contrôlées, surveillées et entretenues de limitation et d’évacuation des poussières conformément aux textes …/… le programme de branche « amiante-ciment » mis en avant par la société n’était signé qu’en 1980 et son plan poussières de 1976 ne prévoyait des investissement qu’à compter de 1977, cette faute à le caractère d’une faute d’une particulière gravité délibérément commise, qui fait obstacle à ce que cette société puisse se prévaloir de la faute de l’administration ».
D’autres arrêts reprenant les mêmes attendus ont également été rendus par la même cour administrative d’appel de Versailles concernant l’établissement Eternit de Thiant. L’Andeva et le Comité anti-amiante Jussieu se félicitent de ces décisions qui devraient mettre un coup d’arrêt à cette stratégie judiciaire qui, si elle avait été validée, constituait un encouragement pour les entreprises à tricher avec les règles de prévention et de sécurité du travail – bien au-delà des affaires amiante - et à oeuvrer pour empêcher les progrès réglementaires de la protection de la santé des salariés