Vincennes, le 28 juin 2017

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Les juges d’instruction et le Parquet préparent des non-lieu en série

 

« il est impossible de dater le moment de la commission de la faute et donc de l’imputer à quiconque »,  explique le Parquet dans ses réquisitions appuyant la position des magistrats qui viennent d’annoncer aux plaignants la clôture de l’instruction. Ainsi seront motivés les non-lieu en préparation. L’Andeva et la Fnath contestent l’interprétation frauduleuse d’une expertise scientifique pour lui faire dire le contraire de ce qu’elle dit. Elles dénoncent un énorme scandale judiciaire.

21 ans après le dépôt des premières plaintes, c’est bien un enterrement de première classe qui se prépare. La lecture de l’« ordonnance de soit communiqué » transmise le 7 juin au Procureur de la République ne laisse aucun doute à ce sujet.

Révélée par le journal « Le Monde », cette ordonnance justifie une clôture annoncée de l’instruction par le constat de « l’impossibilité de poursuivre utilement cette information judiciaire », l’incertitude sur la « date d’intoxication » ne permettant pas, selon eux, de « réunir des charges qui pourraient être imputées à quiconque des chefs d’homicide ou blessures involontaires ». 

Les avocats des parties civiles qui réclamaient en vain depuis plusieurs mois d’être reçus par les juges d’instruction, ont été les premiers surpris par cette ordonnance, comme ils ont été surpris de l’inhabituelle célérité du Parquet, qui – moins d’une semaine après – s’est empressé de légitimer cette clôture de l’instruction au motif qu’il « est impossible de dater le moment de la commission de la faute et donc de l’imputer à quiconque ».

100 000 morts de l’amiante annoncées, 21 ans d’instruction pour en arriver là ! C’est un véritable naufrage de l’institution judiciaire.

L’argument invoqué mérite attention. Il prétend en effet s’appuyer sur un rapport d’expertise rendu le 22 février 2017 auquel les magistrats font dire le contraire de ce qu’il dit.

Les trois scientifiques auteurs du rapport expliquent en effet que « pour l’amiante, l’exposition est synonyme de contamination[1] en l’absence de mesures de protection » et que «  dans un modèle de risque « sans seuil »[2] l’intoxication[3] est par définition concomitante de la contamination ». Ce n’est donc pas une date mais une période d’exposition que les magistrats auraient dû retenir pour  établir la certitude d’un lien de causalité entre la faute pénale et le dommage des victimes.

L’argument des juges d’instruction et du parquet est suffisamment général pour faire prospérer des non-lieu pour tous les responsables, petits ou grands, qui avaient été mis en examen dans tous les dossiers pénaux de l’amiante. .Dans l’immédiat la clôture de l’instruction a été notifiée dans une vingtaine de dossiers dont ceux d’Eternit, Valeo ou Everite (Saint-Gobain). Ceux de Jussieu ou de la Normed risquent de prendre le même chemin.

La portée de ces décisions va bien au-delà des victimes de l’amiante. Des décisions analogues pourraient demain s’appliquer aux victimes de produits à effets différé (cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques). Cela reviendrait à délivrer par avance un « permis de tuer » aux auteurs de crimes industriels « non datables ».

L’heure est grave. Les enjeux sont considérables.

Nous sommes tous concernés : les victimes de l’amiante et du travail, les organisations syndicales, les défenseurs de la vie et de la santé au travail ainsi que tous ceux qui croient encore à la justice. Ensemble, nous devons faire entendre notre voix.

L’Andeva et la Fnath feront immédiatement appel si les ordonnances de non-lieu annoncées sont rendues.

 

 

[1] Présence d’amiante dans l’organisme

 

[2] Pour l’amiante, comme pour d’autres cancérogènes, il n’existe pas de seuil d’exposition en-dessous duquel l’absence de tout effet cancérogène serait avérée.

 

[3] Le processus pathologique