Un arrêt du 15 décembre 2015 exclut du préjudice d’anxiété des dockers ayant travaillé dans un port classé « amiante », mais dont la société d’acconage n’est pas sur les listes.
Hyper-exposés, éligibles à l’Acaata, mais pas anxieux ? !
« Si les dockers professionnels sont légalement éligibles à l’Acaata pour avoir travaillé dans un port listé par arrêté, la réparation du préjudice d’anxiété n’est envisageable que s’ils en ont été salariés » ; elle « ne peut être dirigée à l’encontre des sociétés d’acconage, celles-ci n’étant pas susceptibles de faire l’objet d’un arrêté de classement ».
Ainsi est résumé par Liaison sociales l’arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre dernier.
Un arrêt déconnecté de la réalité
Une décision de justice kafkaïenne, totalement déconnectée de la réalité du monde de la manutention portuaire.
Résumons :
Un docker travaille dans un port où il a été exposé à l’amiante. Si ce port est inscrit par arrêté sur une liste officielle, il peut bénéficier de l’Acaata. Mais ce docker n’est pas employé par les autorités portuaires. Il travaille en fait pour une ou plusieurs sociétés d’acconage. Ces sociétés ne peuvent être sur les listes ouvrant droit à l’Acaata, car leur activité n’implique ni fabrication ni transformation de l’amiante, ni flocage ni calorifugeage.
La Cour a fermé son code et son coeur
Ce docker a donc le droit d’être amianté par son travail. Il a le droit de cesser plus tôt son activité professionnelle parce que son espérance de vie est réduite. Et... il n’a pas le droit d’être anxieux !
Le refus de reconnaître ce préjudice pour des salariés très fortement exposés a révolté les dockers.
Il a été critiqué par des juristes : « La Cour semble bien, pour reprendre les mots d’un auteur, avoir fermé tout à la fois son « coeur » et son « code » (L. Gamet) en consacrant une situation très défavorable aux victimes et contraire aux principes généraux du droit de la responsabilité », écrit Mireille Bacache, un professeur de droit à la Sorbonne, dans une étude du recueil Dalloz.