La réforme du règlement européen des produits chimiques (REACH), mesure-phare du programme anti-pollution de l’UE (« Green Deal ») a été retirée du programme de la Commission européenne pour 2024, suite aux pressions des géants industriels de la chimie dont Bayer et BASF. Une fois de plus, les profits des entreprises passent avant la Santé et l’Environnement.

Dans un article bien informé paru dans Le Monde du 18 octobre, Stéphane Foucart et Stéphane Mandard rappellent que la réforme du règlement Reach qui régit l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des produits chimiques était une mesure phare du programme anti-pollution de l’Union européenne (Green Deal) : « Elle devait permettre, à l’horizon 2030, d’interdire ou de restreindre massivement l’usage d’une multitude de produits chimiques dangereux, présents dans des nombreux produits de consommation courante : jouets, emballages et contenants alimentaires, vêtements, meubles, appareils électroniques, cosmétiques, produits d’entretien, etc. »

300 millions de tonnes de produits chimiques par an

Cette réforme visait à « simplifier et à rendre plus efficace le travail de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en passant à une évaluation des risques par familles de substances et non plus au cas par cas.

A l’échelle de l’UE, environ 300 millions de tonnes de substances chimiques sont produites chaque année par l’industrie, selon l’office statistique Eurostat. Une majorité (74 %) sont considérées comme « dangereuses pour la santé ou l’environnement » par l’Agence européenne pour l’environnement. Et 18 % sont classées comme potentiellement cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques [CMR].

Phtalates, bisphénols, parabens, éthers de glycol, retardateurs de flamme bromés, composés perfluorés ou encore substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) ».

Ces produits sont impliqués dans de nombreuses maladies « en raison notamment de leur potentiel perturbateur endocrinien ».

La Commission a cédé aux pressions de Bayer et BASF

Une réduction de l’exposition aux produits les plus dangereux aurait des effets sensibles sur la santé des consommateurs et des travailleurs européens : « meilleure fertilité, baisse d’incidence de l’obésité, de l’asthme, de maladies neurologiques et du cancer ».

Mais les industriels ont réagi : « Depuis plusieurs mois, les géants allemands de la chimie, Bayer et BASF en tête, (...) multipliaient les interventions auprès de la Commission pour lui demander de (...) repousser toutes les initiatives législatives faisant « peser des charges supplémentaires sur la compétitivité de l’industrie ». Le chancelier allemand, Olaf Scholz a rappelé que l’industrie chimique [était] « l’un des secteurs les plus importants de l’économie allemande ».

Le vent a tourné

Le 12 mai dernier, Emmanuel Macron a réclamé une « pause réglementaire européenne ». La réforme de Reach est enterrée. Plus question d’interdire les familles chimiques les plus dangereuses, telles que les « polluants éternels », les PFAS [molécules per- et polyfluoroalkylées].

Plus question que l’U.E. interdise l’exportation de produits interdits en Europe et le glyphosate, redoutable pesticide, a été ré-autorisé pour dix ans.

Le profit
avant la santé

« La Commission a trahi les citoyens européens en favorisant les intérêts à court terme des industries toxiques au détriment des citoyens », estime Tatiana Santos, du Bureau européen de l’environnement. Il est désormais clair que les profits de l’industrie chimique sont plus importants que la santé des Européens. »


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°72 (janvier 2024)