Les effets néfastes de la silice dépassent largement le poumon et ont été longtemps occultés. Il  convient aujourd’hui de prendre en compte les autres pathologies. Certaines sont dans le tableau des maladies professionnelles n°25, d’autres sont encore ignorées. On peut faire reconnaître ces maladies « hors tableaux » dans le cadre du système complémentaire de reconnaissance.

Les pathologies du tableau n°25

Il s’agit tout d’abord du cancer broncho-pulmonaire primitif, cette éventualité devant appeler à la vigilance devant la détection d’un nodule au scanner (à ne pas confondre avec une pseudotumeur).

Le tableau n°25 prévoit, pour que le cancer du poumon soit pris en compte, qu’il doit être associé à des signes radiologiques ou des lésions de nature silicotique (par exemple dans les ganglions proches du poumon).  Mais  la silice a été classée comme un cancérogène avéré pour l’homme pour le poumon (catégorie 1) par le CIRC (Centre international de recherche contre le cancer). Il reste alors la possibilité de le faire reconnaître en maladie professionnelle, en l’absence de lésions de silicose, dans le cadre du système complémentaire avec soumission au CRRMP (Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles), en apportant la preuve d’un lien direct et essentiel avec le travail.

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La polyarthrite rhumatoïde est une maladie auto-immune (l’organisme produit des anticorps contre ses propres tissus) qui survient surtout chez la femme assez jeune. Elle est fréquente. Elle débute au niveau des petites articulations des mains et des pieds de façon bilatérale et symétrique. Elle se manifeste au début par des douleurs nocturnes. Elle évolue par poussées avec des déformations et des destructions.

Toute polyarthrite rhumatoïde chez un salarié ou un ex-salarié atteint de silicose ou de lésions de silicose doit faire l’objet d’une reconnaissance en maladie professionnelle dans le cadre d’un syndrome de Caplan-Collinet, avec prise en compte au niveau des séquelles (donc du taux d’IPP) aussi bien des lésions pulmonaires que des lésions rhumatismales.

Toute polyarthrite rhumatoïde liée à la silice, mais sans silicose, peut être reconnue en maladie professionnelle dans le cadre du système complémentaire.

Il ne faut pas confondre l’arthrite qui est une inflammation de la membrane synoviale de l’articulation avec l’arthrose qui consiste en une destruction du cartilage articulaire. De toute façon le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde ne peut être posé qu’avec des tests sanguins spécifiques positifs.*  *  *

La sclérodermie systémique progressive est aussi une maladie auto-immune qui touche le tissu conjonctif servant de soutien dans les différents organes. Il n’est  donc pas étonnant que les symptômes liés à cette maladie soient variés.

On relève notamment les symptômes suivants : sclérose cutanée (impression de cartonnage) avec démangeaisons et vaisseaux sanguins dilatés, ulcérations et dans certains cas limitation de l’ouverture de la bouche ; syndrome de Raynaud ; atteinte de l’œsophage et notamment reflux gastro-oesophagien ; atteinte articulaire se traduisant par des douleurs ; atteinte du poumon (fibrose).

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Le syndrome de Raynaud est un trouble de la circulation surtout au niveau des doigts qui deviennent blancs et insensibles, puis bleus et engourdis, épisode suivi d’une recoloration rouge des doigts avec une douleur intense. Le syndrome de Raynaud est souvent la première manifestation clinique de la sclérodermie systémique progressive. Il peut précéder de plusieurs années les autres symptômes.

Les maladies « hors tableau »

Pour la reconnaissance en maladie professionnelle, il faut une démarche dans le système complémentaire (soumission du dossier au CRRMP sous réserve de justifier d’un taux d’IPP prévisible d’au moins 25 %).

La sarcoïdose est un trouble du système immunitaire qui peut attaquer n’importe quel organe. Mais ce sont les poumons qui sont le plus souvent touchés, ainsi que les ganglions lymphatiques (dans les 2/3 des cas), particulièrement ceux de la cage thoracique.

La lésion de base est un granulome (masse de cellules enflammées). Si ces granulomes sont accessibles à la biopsie, on peut faire le diagnostic par l’examen anatomo-pathologique.

La sarcoïdose n’est pas forcément une maladie grave, mais dans la mesure où elle peut toucher le poumon, il y a un risque d’interférence avec d’autres maladies pulmonaires professionnelles.

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Le lupus érythémateux disséminé est une maladie auto-immune qui peut affecter de multiples organes, donc se manifester par de multiples symptômes. L’atteinte la plus caractéristique est une éruption cutanée sur le visage en ailes de papillon. Si l’atteinte articulaire est très fréquente, d’autres atteintes présentent un facteur de gravité non négligeable : reins, cœur.

Pour conclure, laissons à la parole à RAMAZZINI qui en 1 700 préconisait devant toute maladie de s’enquérir du métier du malade.

                                                                            Dr.Lucien PRIVET 


Article publié dans le Bulletin de l’Andeva n°70 (février 2023)