L’ENIM (le régime de protection sociale des marins) couvre des professions parmi les plus périlleuses. Pourtant, il n’a pas de branche spécifique Accidents du travail - Maladies professionnelles en 2021 ! Pour les marins victimes de professionnelles, il n’y a aucune réparation même en cas de décès. Ce régime de protection sociale des marins date de Colbert. Le décret du 17 juin 1938 lui a donné l’’essentiel de sa forme actuelle. Cependant il a gardé certains particularismes propres au monde de la mer ; il n’a pas bénéficié des avancées des ordonnances de 1945 et traîne pour l’évolution en matière de risques professionnels, même s’il tente de s’en rapprocher.
Ceux qui n’ont pas été épargnés par la vie sont les moins protégés, surtout quand l’accident ou les maladies (même professionnelles) surviennent quand le marin est jeune.
Les plaques pleurales
La plupart des marins atteints de plaques pleurales ne sont pas indemnisés.
Le taux d’incapacité attribué pour cette pathologie est souvent compris entre 1 et 9%. Or l’ENIM n’indemnise qu’à partir d’un taux d’IPP de 10%.
Par ailleurs ils ne peuvent bénéficier d’une indemnisation au titre du préjudice d’anxiété car il sont déjà malades.
La pension de retraite anticipée (PRA)
Elle est présentée comme un avantage n’existant dans aucun autre régime. Elle est attribuée aux marins ayant navigué durant 15 ans au moins et présentant une incapacité inférieure aux deux tiers, suite à une pathologie d’origine non professionnelle, les rendant définitivement inaptes à la navigation. Cependant cette pension a parfois été dévoyée en permettant de ne pas indemniser un accident du travail ou une maladie professionnelle.
L’article 18 du décret du 17 juin 1938 permet de ne pas indemniser le marin, quelle que soit l’évolution de son état de santé. Cela pouvait se justifier en 1938 : on considérait à cette époque, qu’un retraité ne pouvait plus être victime d’un accident du travail ni d’une maladie professionnelle. Maintenant il en va tout autrement depuis que les maladies professionnelles à évolution lente ont été prises en compte par la Sécurité sociale, mais cet article de loi n’est toujours pas abrogé.
Le droit d’opter
En 2016, suite à l’intervention de plusieurs parlementaires, l’ENIM a donné l’illusion de pallier cette injustice en proposant aux marins d’opter entre la PRA et l’indemnisation de la maladie professionnelle. On ne demande pas aux assurés des autres régimes de Sécurité sociale de choisir entre leur retraite et leur rente AT-MP ! Ils en ont le cumul.
Quant aux veuves de marins en PRA, décédés de maladie professionnelle reconnue, même ce droit d’option leur est refusé.
Les marins en invalidité
Les marins mis en invalidité (PIM) ne reçoivent qu’une retraite calculée sur un maximum de 25 annuités, quel que soit le nombre d’années de navigation et de versement à la pension d’invalidité. De plus cette retraite est calculée sur un salaire forfaitaire, bien moindre que le salaire réel. Il n’y a pas de retraite complémentaire.
En conclusion, je rejoins Monsieur Chaumette, éminent professeur de droit maritime qui s’étonne « que ce soit le régime de Sécurité sociale des gens de mer, géré par l’administration maritime qui défende des textes dépassés, une conception des risques professionnels entre employeurs et marins salariés, une solidarité professionnelle aussi peu propice à une politique de prévention ». L’ENIM a changé de statut en 2010, la situation reste la même.
Mme Marie-Jo Roudaut
Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°65 (avril 2021)