Ces procédures se déroulent devant les tribunaux des affaires de Sécurité Sociale (TASS).
La condition pour engager cette action est d’être reconnu comme atteint d’une maladie professionnelle. Il faut alors démontrer que le ou les employeurs ont commis des fautes d’une gravité exceptionnelle, et qu’ils auraient dû avoir conscience du danger qu’ils faisaient courir à la victime.
Cette dernière condition sera plus difficile à remplir dans les cas où l’employeur était un petit entrepreneur du bâtiment ; d’où notre revendication, dans le cas d’une maladie due à l’amiante, d’une extension de la faute inexcusable tenant compte de la responsabilité particulière des industriels à l’origine de la diffusion des matériaux contenant de l’amiante.
La victime, lorsque la faute inexcusable est reconnue par les tribunaux, peut obtenir que son taux de pension soit aligné sur le taux d’IPP.
Elle se voit également accorder la réparation des préjudices subis (souffrances physiques et morales, préjudice esthétique et d’agrément ; perte et/ou diminution des possibilités de promotion professionnelle).

L’enjeu de la prescription

Le premier enjeu important porte sur la prescription. Après la reconnaissance en maladie professionnelle, il est considéré que l’action en faute inexcusable doit être engagée dans un certain délai. Si le délai est écoulé, il y a prescription et la victime ne peut plus engager d’action en faute inexcusable.
Toute la question est de savoir est de savoir où se situe le point de départ de ce délai de deux ans. La réglementation prévoit plusieurs départs possibles.
Compte tenu que la quasi-totalité des victimes reconnues dans les quinze dernières années n’ont jamais été prévenues par la Sécurité Sociale des possibilités qui leur étaient ouvertes, on peut faire valoir plusieurs arguments pour justifier que le délai de prescription n’est pas écoulé. L’un des arguments est de prendre comme point de départ le jour de la clôture de l’enquête menée par la Sécurité Sociale sur la maladie professionnelle. Et ceci qu’il y ait eu enquête ou non.
Comme dans la plupart des cas il n’y a pas eu d’enquête ou, s’il y en a eu une, la clôture n’a pas été notifiée dans les formes à la victime, nous sommes en droit d’affirmer que - dans ces cas - le délai de prescription n’a pas encore commencé à courir. D’où la possibilité pour les victimes reconnues en maladie professionnelle depuis plus de 2 ans d’engager aujourd(hui une action en faute inexcusable.
Mais les interprétations de la loi sont multiples et, pour l’instant, tous les tribunaux saisis n’ont pas suivi cette voie. Seul le TASS de Saint Lô vient récemment de reprendre un raisonnement semblable. Mais il y a un appel et, dans ce cas comme dans d’autres, la procédure peut aller peut aller jusqu’à la Cour de cassation.

Autre situation : celle créée par le jugement de la Cour d’appel de Dijon sur les actions engagés devant le TASS de Macon par les travaillleurs d’Eternit-Paray le Monial. La cour a considéré qu’en l’absence d’enquête de la Sécurité Sociale (c’est à dire dans la majorité des cas qui lui étaient soumis) le point de départ du délai de prescription devait être fixé à la date du certificat médical initial. En conséquence, l’action de ces victimes était considérée comme prescrite au vu des dates de ces certificats entre 81 et 88 !
Dans ce cas, ce sont les victimes qui vont aller en cassation.

Troisième cas : le jugement du 16 décembre 1997 du TASS de Valenciennes, suite aux actions engagées par des travailleurs d’Eternit Thiant. Les juges rejettent l’argument selon lequel l’enquête de la Sécurité Sociale était nécessaire, donc déclarent qu’il y a prescription sauf dans un ou deux cas où, dans le jugement du fond, ils déclarent qu’Eternit n’est pas coupable ! Eternit à l’époque des faits ne savait pas ! C’est un comble. L’affaire a été portée devant la Cour d’appel.

La diversité des jugements sur des cas semblables est la preuve que rendre la justice dans un conflit social relève également d’une approche politique des problèmes posés, approche non insensible aux manifestations des deux parties : employeurs et victimes.
La balance est le symbole de la justice. Faire pencher le plateau du côté des victimes implique que celles-ci s’organisent, se fassent entendre, saisissent la presse et viennent en grand nombre aux audiences.

L’enjeu du montant des préjudices

Sur ce point, il est impérieux de rompre avec une jurisprudence qui traite différemment du montant des préjudices, selon qu’il s’agisse des victimes de maladie professionnelle ou des victimes d’accidents de la route ou d’une contamination par le virus du sida, par exemple.
Les niveaux d’indemnisation des préjudices, suite par exemple à un cancer provoqué par une exposition à l’amiante, sont beaucoup plus faible que ceux dus à des victimes ne relevant pas du système des maladies professionnelles, et ce sans aucune justification !
En moyenne on peut considérer qu’à taux d’invalidité équivalent les sommes accordées pour les préjudices extra-patrimoniaux sont trois fois plus faibles pour les accidents du travail et maladies professionnelles que pour les accidents de la route.
Il est donc nécessaire que les autorités politiques et judiciaires décident d’une harmonisation dans l’indemnisation des victimes, quelle que soit l’origine de leur invalidité.
Récemment, allant dans le sens de cette demande d’harmonisation, maître Jean-Paul Teissonnière et maître Sylvie Topaloff ont demandé d’allouer à la victime, monsieur Gérard Vincent, une somme de 2.500.000 francs en réparation de sa souffrance physique et morale. Le juge, en la matière, s’en est remis à une expertise médicale. La décision sera connue ultérieurement.
Pour l’avenir, on doit souhaiter que se développent des actions pour que l’évaluation des préjudices ne se fasse plus au rabais.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°4 (juillet 1998)