L’annonce des départs anticipés amiante dans les chantiers navals a suscité un énorme intérêt ; mais, sur le terrain, on voit qu’il y a des injustices, et un manque de moyens...

- Comment ce décret sur la cessation anticipée d’activité dans les chantiers navals a-t-il été accueilli à Dunkerque ?
Cette annonce a suscité un énorme intérêt. Les demandes de renseignements sont nombreuses : sur les listes d’entreprises, les métiers, le mode de calcul...

L’association a demandé une centaine de formulaires à la CRAM. Elle les distribue et aide à les remplir. Les gens s’adressent aussi à nous lorsque leur demande est refusée.

- Vous rencontrez beaucoup de problèmes ?
Oui. La liste des entreprises est incomplète. Beaucoup de maisons sous-traitantes des chantiers navals ont été oubliées.

Quant à ceux qui ont travaillé de longues années comme intérimaires sur les chantiers pour des sous-traitants, ils n’ont droit à rien. Il faut réparer cette injustice.

Quand des personnes qui travaillent dans une entreprise qui n’est pas sur la liste viennent nous voir, je leur demande des certificats de travail avec si possible des dates de départ et de fin d’exposition pour les renvoyer au ministère.

- Et que penses-tu de la liste des métiers ?
Elle est, elle aussi, incomplète. J’ai dû intervenir auprès de la CRAM pour un assembleur dont le dossier avait été refusé. Le soudeur, l’oxydécoupeur, le tôlier figurent dans la liste. Mais l’assembleur, qui fait ces trois métiers, n’y figure pas !

Il y a aussi des difficultés sur l’intitulé des métiers : le magasinier est sur la liste. Mais sur la feuille de paye du magasinier il y a marqué "agent administratif". Alors il se heurte à un refus ! Avec des témoignages, on peut rattraper certains dossiers, mais il faut du temps. La CRAM vérifie...

Il y a aussi des aberrations sur les dates de début et fin d’exposition : pour le chantier "Les Arno" l’exposition se terminerait en 1987. Pourtant on voit encore arriver des bateaux avec de l’amiante et... un certificat de complaisance portant la mention « free amiante ».

- Des gens sont donc spoliés de leurs droits ?
Oui. Une personne qui n’est pas malade peut avoir la cessation anticipée, si son métier figure sur la liste, car laprise en considération du risque est légitime ; mais un malade qui a des plaques pleurales en est exclu ! Toutes les personnes malades de l’amiante quel que soit l’entreprise ou le corps de métier devraient en bénéficier.

Autre exemple : un fonctionnaire hospitalier a été exposé à l’amiante lorsqu’il travaillait aux chantiers navals. Il a une asbestose avec un taux d’IPP à 20% . On lui refuse l’indemnité de cessation anticipée d’activité, sous prétexte qu’il dépend du régime fonctionnaire, alors qu’il a été exposé dans le privé.

Et puis je constate que les plus bas salaires sont défavorisés. Je connais par exemple un monsieur atteint d’un cancer broncho-pulmonaire. Il gagne 7000 francs par mois. L’indemnité de cessation anticipé d’activité est égale à 65% du salaire brut. Mais il faut encore enlever 8% (pour CSG et CRDS), et la cotisation pour la mutuelle est majorée. Quand il a fait le compte de ce qui lui resterait pour payer son loyer et le reste, il a compris qu’il ne s’en sortirait pas. Il ne fera malheureusement pas sa demande...

Il faut aussi dénoncer la façon dont les employeurs traitent les salariés qui devraient bénéficier de cette allocation dans un ou deux ans : ils font le tri. Lorsqu’il faut attribuer des postes à responsabilité avec formation, ils ne leur sont pas proposés. On les met sur une voie de garage.

Un mot pour finir sur les difficultés des caisses régionales. A la CRAM Nord Picardie de Villeneuve d’ASQ, il n’y a qu’un cadre et deux CDD pour traiter une masse de dossiers. Ils sont débordés. L’ADEVA interviendra auprès de la CNAM pour qu’ils aient des moyens supplémentaires


Article paru dans le bulletin de l’Andeva N°7 (octobre 2000)