A l’appel de l’ANDEVA et de la FNATH, avec le soutien de la Fédération des Mutuelles de France, un long cortège a défilé dans la rue pour que justice soit rendue aux victimes de l’amiante, et pour obtenir une réparation intégrale des préjudices de toutes les victimes du travail.

Bien sûr, ce n’est pas la première manif à défiler de la République à la Bastille. D’autres l’ont précédée. Elle a pourtant quelque chose de particulier.

« On attendait ça depuis si longtemps ! »

Descendre tous ensemble dans la rue pour dire tout ce qu’on a sur le coeur : la révolte face à cette épidémie de maladies et de décès évitables, le refus de l’injustice, le ras-le-bol des tracasseries des caisses de sécurité sociale et des lenteurs de la justice, la volonté de voir les préjudices reconnus et correctement indemnisés, l’exigence de faire condamner les coupables...

Le cortège est très coloré. Une marée de casquettes blanches de la FNATH. Une forêt de pancartes multicolores de l’ANDEVA. Les mots d’ordre font mouche : «  Amiante : 3000 morts par an... Condamnez les coupables  ».

Une demi-heure avant la manif, une équipe s’affairait sur un banc avec scies, agrafeuses et marteaux. Finies les angoisses : les pancartes étaient prêtes à temps. Chacun a voulu la sienne : elles sont parties comme des petits pains...

D’Eternit aux chantiers navals

Dans ce déferlement on reconnaît les ouvriers d’Eternit, de Ferodo, ou de Latty ; ceux des chantiers navals de Dunkerque, de Saint-Nazaire, de Brest, du Havre ou de Cherbourg ; les sidérurgistes de Fos, le bâtiment ou les métallos du 93 ; les cheminots, la RATP...

L’amiante a empoisonnés les uns. Aux autres il a volé brutalement un mari ou un père. Aujourd’hui ils demandent justice : « Guigou, entends-tu ? Les victimes de l’amiante manifestent... » . Sur l’air du « chant des partisans », on dit sa fierté d’être là, de manifester pour être enfin entendu..

Les caisses primaires en prennent pour leur grade :

« L’amiante nous tue... La Sécu enterre nos dossiers... Indemnisez sans délai ! » Et sur l’air de « Frères Jacques » : « Caisses Primaires, Caisses Primaires, Dormez-vous ? »

Non ce n’est pas une manif comme les autres. Quand on est atteint d’une maladie pulmonaire, on s’essouffle plus vite ; il faut parfois ralentir le pas. Mais cela fait tellement plaisir d’être là... Dans le cortège une femme chante à pleine voix. Plutôt bien. Quelqu’un lui propose de prendre le micro dans la voiture sono. « Je ne préfère pas. Vous savez,
on m’a mis sous morphine... »
 Amisol, Condé-sur-Noireau, Dammarie-les-Lys, Andancette, Jussieu : des noms qui disent toutes les colères et tous les combats de l’amiante.

Ils sont tous là aujourd’hui avec leur association  : CAPER, ADEVA, Allo ! Amiante !

Une place noire de monde

L’arrivée sur la place de la Bastille est un grand moment : on est fier, un peu incrédule en se voyant si nombreux.

Du haut de la tribune, la vue est impressionnante. Après Josette d’Amisol et Henri Pézerat, François Desriaux réclame justice pour les victimes de l’amiante. Il dénonce les industriels qui « ont sciemment organisé la dissimulation d’informations sur les dangers d’un matériau qu’ils voulaient continuer d’exploiter, fût-ce au prix de la vie de milliers de victimes. » Au nom de la FNATH, Marcel Royez souligne l’urgence d’une réforme radicale d’un système de réparation injuste et dépassé : « Nous n’attendrons pas encore un siècle ».

Bientôt sonne l’heure du départ : on replie les banderoles, on ramasse les pancartes. Une délégation de l’ANDEVA quitte la place pour aller porter au Ministère les 33.000 signatures recueillies pour l’élargissement de la cessation anticipée d’activité aux maladie relevant du tableau 30 B. Elles ont été mises dans des sacs : « Danger
 ! Amiante ! »
...


Article paru dans le bulletin de l’ANDEVA N°9 (janvier 2002)