Tous les jours arrivent à Vincennes des lettres qui nous remuent, nous font réfléchir, nous donnent envie de continuer. Toutes ces lettres sont lues et souvent relues avec attention. Seules quelques unes peuvent être publiées dans ce bulletin, bien entendu avec l’accord de leur auteur.


« L’empoisonneur doit être reconnu responsable de ses actes »

Je suis retraité de l’EDF depuis 15 ans. J’ai bientôt 70 ans et je me remets tout doucement d’un cancer du poumon après avoir passé une radiographie de contrôle proposée par mon docteur traitant.

Lorsqu’on vous annonce que vous avez une tache au poumon, vous pensez immédiatement au cancer, mais aussi à l’issue fatale ! Tous les malheurs de la terre vous tombent dessus, finis les raisonnements collectifs, vous ramenez tout à vous même, en un mot vous « perdez les pédales ».

Cette annonce m’a été faite le 7 mars 1997. Jusqu’alors ma vie de retraité se déroulait comme je l’avais souhaitée, c’est à dire pêche, pétanque, montagne, champignons, sport de quilles de six, activités syndicales, entretien de ma maison et des espaces verts et enfin, le plus important, une grande partie de ma vie et de mon affection consacrés à mes enfants et petits enfants.

Ce 7 mars 1997 tout a changé : bonjour l’Hôpital, les examens, les analyses, les prélèvements et plus tard les chimiothérapies, les radiothérapies, les opérations, les transfusions.J’ai eu la chance d’être pris en charge par l’Hôpital public de Pau dans lequel j’y ai trouvé compétences et chaleur humaine. Par ses explications le corps médical m’a détaillé toutes les phases successives de mes traitements ce qui fait que je n’ai pas été choqué au moment de mes transformations physiques.

Que dire de la souffrance ? La souffrance physique a été atténuée et c’est tant mieux. Par contre la souffrance morale a été abominable : l’idée de ne plus revoir sa famille, ses copains, ses amis était insupportable. Il m’a fallu une concentration extrême pour éviter de tomber dans ladéprime et l’isolement.

Les membres de ma famille, les amis, les copains ont participé, chacun à sa manière, à ce que les jours, les mois et les années comportent des moments de bonheur intense. C’est à ce moment-là que mes camarades de l’organisation syndicale CGT ont remplacé mon cerveau défaillant et ma main tremblotante. Nous avons mis en route le processus de reconnaissance en maladie professionnelle.

Ma maladie a été finalement reconnue avec un taux d’IPP de 70%. Cette situation ne me satisfait nullement. Je pars du principe que l’empoisonneur se doit de payer les dégâts et c’est la moindre des choses, mais il doit aussi être reconnu coupable de ses actes. Donner un produit dangereux à ses employés est pour moi un acte criminel dans la mesure où ce produit est connu pour sa dangerosité depuis fort longtemps. J’ai donc pris un avocat pour que soit reconnue la faute inexcusable de l’employeur.

A ce jour, j’ai eu un parcours dans mes démarches facilité par les conseils de mon organisation syndicale. Toutefois, pour l’année qui arrive, je souhaite adhérer à votre association pour y apporter mon vécu et ma modeste contribution.

René


Article paru dans le bulletin de l’ANDEVA N°9 (janvier 2002)