Deux faits ont fortement modifié
la donne judiciaire : les arrêts rendus le 28 février 2002 par la Cour de Cassation et la mise en place du FIVA.

Le 28 février la Cour de Cassation confirmait la condamnation de l’employeur pour une trentaine de dossiers de victimes de l’amiante.

Ces arrêts élargissaient la notion de faute inexcusable en soulignant qu’en matière de sécurité l’employeur avait une « obligation de moyens » mais aussi une «  obligation de résultats ». Ce qui fait de lui le garant de l’état de santé de ses salariés au travail.

L’impact des arrêts de la Cour de Cassation

-  A de rares exceptions près, la jurisprudence de la Cour de Cassation est systématiquement reprise par les TASS et les coursd’appel.
Les condamnations ne se limitent pas aux sociétés productrices ou transformatrices d’amiante ; elles s’étendent aux sociétés utilisatrices.

Elles frappent les employeurs dans divers secteurs d’activité : sidérurgie, chimie, industrie alimentaire... Kronenbourg qui utilisait des filtres en amiante pour sa production de bière a été condamné par la Cour d’appel d’Amiens. Lesieur qui filtrait son huile de la même façon l’a été par les cours d’appel de Bordeaux et de Lille.

EDF a été condamné par des TASS (Evry, Bordeaux, Bretagne), pour des contaminations en centrale thermique, mais aussi - ce qui est nouveau - en centrale nucléaire. Les Cours d’appel d’Aix-en-Provence, de Caen, de Toulouse, de Rennes, de Paris ont confirmé les condamnations.

Ascométal, Alcaltel, Daussan... la liste des condamnations continue à s’allonger.

Dans ce contexte les rares jugements défavorables régulièrement cités par les défenseur des employeurs apparaissent comme des décisions isolées liées à ces circonstances particulières.

-  Les délais tendent à raccourcir.
Les premières actions en faute inexcusable avaient duré plusieurs années, ajoutant l’épreuve d’une longue attente à celle de la maladie ou du deuil.

C’est encore souvent le cas. Mais certains magistrats, sensibilisés par le problème de l’amiante, vont plus vite : les délais moyens sont de 2 mois au Tass à Saint-Lô, de 3 à 4 mois à Macon, et n’excèdent pas 6 mois à Melun. Certains tribunaux accordent des provisions en référé à des salariés d’entreprises déjà condamnées. A Melun et Valenciennes, des jugements ont été rendus le jour même de l’audience, pour tenir compte de l’état de santé des victimes.

-  Les règles de calcul de la rente évoluent.

L’action en faute inexcusable permet une majoration de la rente de la sécurité sociale. Pour la calculer, les TASS prenaient jusqu’à présent pour base le taux d’incapacité (IPP) initial. S’il y avait une aggravation de l’état de santé au cours de l’instruction, elle n’était pas prise en compte Cette façon de procéder pouvait réduire voire même parfois annuler l’effet de la majoration de rente.

Nos avocats ont attiré l’attention des magistrats sur cette injustice. Ils commencent à être entendus. Plusieurs Tass acceptent de prendre en compte l’évolution de l’état de santé. Les cours d’appel de Caen, d’Amiens, de Bordeaux et Chambéry ont confirmé. La Cour de cassation tranchera.

Quelles conséquences de la création du FIVA sur les actions judiciaires ?

Il est trop tôt pour mesurer toutes les conséquences de la création du FIVA sur les actions en justice. Sous réserve de confirmation, on peut néanmoins percevoir quelques premières tendances  :

-  Comment a évolué le montant des indemnisations ?

Depuis 5 ou 6 ans le montant moyen des sommes accordées aux victimes par les TASS n’a cessé d’augmenter. Mais on notait des inégalités importantes, avec un écart pouvant aller de 1 à 5 entre certaines cours d’appel.

Les indemnisations FIVA sont aujourd’hui en moyenne inférieures de moitié à ce que donnent en moyenne les juridictions. On pouvait se demander quelle serait l’attitude des tribunaux.

Jusqu’à présent, es magistrats ont été preneurs d’explications sur ce barème, mais ils ont considéré que les juridictions étaient indépendantes et libres de leurs décisions

Quelques TASS maintiennent des montants très bas. Ainsi celui de St Quentin a condamné Power Boiler, tout en n’indemnisant qu’à hauteur de 50% du barème FIVA !

Mais, les décisions de justice les plus récentes se situent en général bien au-dessus des montants accordés par le barème du FIVA. Et la tendance à l’augmentation des indemnisations semble se poursuivre.

Plusieurs juridictions parmi les moins généreuses viennent de majorer le montant des indemnités accordées : c’est le cas du TASS de Lille, des cours d’appel de Douai et de Dijon, du TASS et la Cour d’appel de Bordeaux.

A l’inverse on ne constate pas à ce jour de fléchissement des niveaux d’indemnisation dans les juridictions les plus favorables.

-  Quelle place pour les actions en faute inexcusable de l’employeur après la création du FIVA ?

Les arrêts du 28 février leur ont donné un nouvel élan, en permettant aux salariés d’avoir davantage de moyens pour poursuivre leur employeur en justice.

Plusieurs jugements récents appliquent les critères de la Cour de cassation à d’autres maladies professionnelles ou à des accidents du travail. Les victimes de l’amiante ont fait évoluer la jurisprudence pour l’ensemble des victimes du travail. Aujourd’hui la majorité des victimes de l’amiante et de leurs ayants droit a le choix entre une action judiciaire et le FIVA, qui offre des indemnisations plus rapides mais souvent moins élevées.

Le rôle des associations est de les informer et de les conseiller en leur disant si une telle action est possible et ce qu’ils pourraient en attendre.

Mais c’est évidemment aux personnes concernées de prendre leur décision.


Articles parus dans le bulletin de l’ANDEVA
N°11 (septembre 2003)