Au dépôt SNCF, les ouvriers qui travaillaient sur les locomotives à vapeur ont été exposés à l’amiante pendant 25 ans. L’association les aide à obtenir réparation.

En 1998, un groupe de mécaniciens cheminots du dépôt SNCF de la Blancarde, à Marseille, décide de créer l’association SOS Amiante.

Comme le raconte Annie Davin, veuve d’un mécanicien cheminot et secrétaire de l’association, « les cheminots en avaient marre d’accompagner au cimetière la dépouille de leurs anciens collègues morts à cause de l’amiante ». Marre aussi que la SNCF ne reconnaisse pas la maladie professionnelle d’ouvriers et de mécaniciens qu’elle avait fait travailler sans protection sur des locomotives à vapeur dont les chaudières étaient isolées à l’amiante.

L’histoire de ces locomotives à vapeur se confond avec celle de la reconstruction du pays après-guerre.

Les bombardements, les réquisitions, les sabotages réalisés par la Résistance avaient détruit en grande partie les Chemins de fer. La France avait donc commandé 1340 locomotives à vapeur, des « 141 R », aux Etats-Unis. Elles furent livrées entre 1945 et 1946 et dispatchées dans toute la France.

115 kilos dans une loco

Or, ces locomotives étaient bourrées d’amiante. La chaudière était isolée par des pains et des bandelettes d’amiante, 115 kilos en tout, qu’il fallait régulièrement changer car l’amiante s’émiettait avec la chaleur. Les locos étaient alors renvoyées à l’atelier du dépôt pour un « levage » : on enlevait ce qu’il fallait réparer : les pains d’amiante mais aussi les bandelettes qui entouraient la tuyauterie vapeur de la loco.

Des pains d’amiante découpés à la scie

Là, les ouvriers travaillaient sans masque et sans aucune protection. Ils découpaient les pains d’amiante avec des scies égoïnes, ce qui faisait beaucoup de poussière. Ils mangeaient à la cantine avec leurs bleus blanchis par l’amiante. En fin de journée, l’atelier était nettoyé au balai.

Tous les jours, pendant 25 ans (car les 141 R furent remplacées vers 1975 par des machines électriques ou diesel) les ouvriers des dépôts (ajusteurs, chaudronniers et soudeurs) mais aussi les chauffeurs et mécaniciens qui travaillaient dans les locomotives ont ainsi été contaminés, surcontaminés par la poussière d¹amiante.

Annie Davin évoque le cas de son mari, qui a travaillé de 1945 à 1973 au dépôt de la Blacarde puis comme mécanicien sur les 141R.

Jean Davin est décédé d’un cancer broncho pulmonaire en 1984. De toute l’équipe de son mari, il ne reste qu’une personne aujourd’hui privée d’un de ses poumons. Les autres ont été tués par l’amiante.

N’ayant pas eu connaissance du dossier médical complet de son mari, c’est seulement en 1995 qu¹Annie a compris qu’il avait été contaminé par l’amiante. Elle a du se battre plusieurs années pour faire reconnaître la maladie professionnelle par la SNCF et pour obtenir réparation. Elle met aujourd’hui son savoir-faire et sa détermination au service de SOS Amiante.


PLUS DE 300 ADHERENTS

C’est Jacques Favier, un ancien de la Blancarde aujourd’hui décédé, qui a créé l’association SOS Amiante en 1998, en dénonçant les conditions de travail des ouvriers des dépôts ainsi que la situation des veuves de cheminots.

Aujourd’hui, l’association compte plus de 300 adhérents : des cheminots retraités et actifs, 80 veuves et des adhérents non-malades « pour que l’association soit plus forte », explique Annie. « Nous
traitons aussi des dossiers non SNCF, dont certains nous sont envoyés par les infirmières des environs. »

Annie évoque le cas des cheminots partis pour leur retraite à la campagne, et donc perdus de vue. « Certaines veuves ignorent sûrement que leurs maris sont morts de l’amiante. » Pourtant, la plupart de ces veuves sont d’autant plus tributaires de la pension de réversion de leur mari que la plupart n’ont pas de retraite pour elles-mêmes. Sitôt qu’il y avait des enfants à élever, les horaires des cheminots ne permettaient pas aux épouses de travailler. Certaines n’ont aujourd’hui qu’une pension de 3000 francs par mois. SOS Amiante se bat à leurs côtés.


SOS
Amiante

5 bd Camille
Flammarion., 13001 Marseille
Permanences : le jeudi : 14 h - 18 h
Tél. : 04 95 04 30 60
Président : André Pit


Article paru dans le bulletin de l’ANDEVA N°10 (octobre 2002)