Au terme de sept années d’instruction, les magistrats n’ont retenu aucune charge contre les responsables de la Sollac, de la Normed et de la SARL Weizacker-Carrère, mis en examen depuis trois ans pour atteinte involontaire à la vie et à l’intégrité physique. C’est dans ces entreprises qu’ont été contaminés quatre salariés, dont deux sont décédés d’un mésothéliome.

Pour l’Ardeva et pour l’Andeva, ce jugement s’apparente à un véritable permis de tuer car il n’incitera pas les employeurs à prendre des mesures de prévention, ni à respecter la réglementation. L’ordonnance de non lieu reconnaît qu’il existait une réglementation (un décret de 1913 rend obligatoire l’élimination des poussières dans les ateliers) et que des «  erreurs ont été commises dans la gestion du problème amiante dans ces trois entreprises ».

Mais la juge indique que la prise de conscience des dangers de l’amiante a été « très tardive en France », que les règlements étaient « généraux » et ne visaient pas spécifiquement les poussières d’amiante. Il est donc « impossible de démontrer le caractère manifestement délibéré d’une violation éventuelle de la réglementation ».

S’appuyant sur le retard des pouvoirs publics pour édicter des mesures de protection, sur l’absence de réaction de l’Inspection du travail, de la Cram (Caisse régionale d’assurance maladie), et des délégués syndicaux, jusqu’en 1995, les magistrats ont considéré qu’ « il n’y avait pas de faute caractérisée exposant autrui à un danger d’une particulière gravité qui ne pouvait être ignoré ».

Or on sait depuis les années 50 que l’amiante est cancérogène. Comment des entreprises de la taille de la Normed ou de la Sollac, auraient-elles ignoré qu’elles devaient protéger les travailleurs d’expositions mortelles  ?

Une réglementation qualifiée de « générale » peut-elle être bafouée sans crainte de poursuite  ?

Et si les pouvoirs publics sont fautifs pourquoi ne sont-ils pas poursuivis ?

Les juges reconnaissent que des erreurs graves ont été commises, mais c’est « la faute à personne » qui l’emporte. C’est inacceptable.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°12 (janvier 2004)