Nous avons décentralisé l’association pour être au plus près des victimes »


L’Addeva 44 est passée de 78 adhérents à 2700 en 7 ans. Comment répondre aux défis posés par cette croissance spectaculaire ? Alain Bobbio l’a demandé à Roland Hottelard et Michel Bazille, le président et le secrétaire de l’association.


Michel : Au départ il n’y avait qu’une permanence à Saint-Nazaire pour tout le département.
La charge de travail n’a cessé d’augmenter. Nous avons créé deux permanences à Trignac et à la Chapelle-des-Marais. Il y a eu un afflux de victimes, qui venaient nous voir parce que nous étions à proximité de leur domicile. Nous avons alors ouvert d’autres permanences à Saint-Herblain, au Croisic, à Saint-Nicolas-de-Redon, à Derval et à Châteaubriant. Il y a maintenant 8 secteurs et notre projet est d’en créer un autre au sud de la Loire.
Roland : Nous voulons aller au plus près des victimes. La Loire-Atlantique est vaste.
Certaines personnes ont des difficultés à se déplacer. Il faut en tenir compte.
Alain : Il a fallu trouver des bénévoles…
Michel : Nous avons envoyé un courrier à nos adhérents expliquant que nous n’arrivions plus à faire face et qu’il fallait donner un coup de main. Ils ont répondu nombreux à l’ appel.
Roland : Nous avons dû former les volontaires de A à Z : sur les expositions des salariés à l’amiante, les différentes maladies, le suivi des dossiers, la faute inexcusable, le Fiva, le suivi médical, la trésorerie…
Alain : Il faut du temps pour maîtriser toutes ces questions...
Michel : Oui. Des bénévoles de Saint-Nazaire viennent sur place aider ceux qui débutent. Au départ la permanence est assurée par deux personnes, avec une troisième qui apprend. Nous ne laissons jamais un bénévole tout seul. S’il a un dossier compliqué ou s’il ne peut répondre à une question, il sait qu’il peut avoir rapidement une aide. On discute avec lui des problèmes qu’il rencontre.
ll faut un an pour qu’un bénévole acquière une bonne autonomie.
Roland : Il faut aussi tenir compte des goûts et des capacités de chacun. Certains s’occupent des dossiers, d’autres de la trésorerie, de l’informatique ou de l’envoi du courrier.
Michel : Les bénévoles de l’association sont aujourd’hui une centaine.
Alain : Comment cette nouvelle organisation se met-elle en place ?
Roland : Nous commençons par une réunion publique pour discuter avec les populations locales de leurs besoins et de leurs droits. Nous les informons que la municipalité a mis à disposition une salle pour la permanence. Nous leur proposons d’adhérer. La presse locale annonce les permanences.
Alain : Rencontrez- vous des difficultés ?
Roland : au départ il y a une importante charge de travail supplémentaire pour former les bénévoles, mais à terme le résultat est bénéfique. Le but est que chaque secteur soit autonome : les dossiers ne sont plus à St-Nazaire, ils sont dans chaque secteur. La trésorerie est décentralisée.
Michel : En même temps nous veillons à ce que les responsables des secteurs participent aux décisions et aux orientations de l’Addeva.
Nous avons renouvelé le conseil d’administration, afin qu’il soit représentatif des différents secteurs.
Roland : Notre souci est aussi de fidéliser les adhérents. Ainsi nous accordons une grande place à la gratuité du suivi médical qui doit suivre la consolidation de la maladie. « Nous avons été contaminés ; Nous n’avons pas à payer ». Ces explications sont données dans le bulletin de l’Addeva 44 qui paraît deux ou trois fois par an.
Alain : Comment concevez-vous le rôle de l’association
Roland : Notre association s’est créée sur les chantiers navals.
C’est un secteur très organisé où ont été menées des batailles importantes, et souvent victorieuses. Nous défendons les salariés des chantiers, mais nous ne laissons pas les salariés des petites entreprises sur le bord du chemin.
Michel : Dès l’origine, nous étions convaincus que l’Addeva devait « sortir de son bocal ». Nous ne voulions pas qu’elle reste cantonnée sur une entreprise ou sur une ville. Nous voulions qu’elle élargisse ses activités à toutes les personnes concernées sans délaisser certaines catégories.
Roland : Il y a en Loire- Atlantique de grandes entreprises comme les Chantiers de l’Atlantique, AFO, Arno, la raffinerie de Donges, les centrales électriques de Cordemais et de Cheviré ou les chantiers navals Dubigeon. Nous nous sommes aperçus que la majorité des salariés travaillant sur ces sites pouvait être composée de sous-traitants et d’intérimaires.
Chez Dubigeon, dans les années 70, il y avait 1500 intérimaires et sous-traitants pour 600 salariés. On peut retrouver les salariés qui ont été exposés à l’amiante chez Dubigeon.
Mais les autres, ceux qui ont travaillé comme intérimaires ou dans une PME, sont souvent dispersés. Il faut se donner les moyens d’aller les chercher, là où ils sont, même si c’est difficile.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°13 (juin 2004)