Les dangers de l’amiante sont connus, les mesures de précaution à prendre aussi. On serait donc en droit d’attendre un engagement sans faille de tous les acteurs de la santé au travail pour protéger les salariés et l’environnement : strict respect des règles de prévention par les industriels, vigilance active de l’Etat.

Trois exemples récents nous montrent qu’en matière de prévention rien n’est jamais acquis.

Une campagne de contrôles a été lancée sur 72 chantiers de désamiantage par le ministère du Travail. 55 d’entre eux ne respectaient pas des points essentiels de la réglementation. Nous ne sommes - hélas - pas surpris.

Deuxième exemple : des tests menés par l’INRS (1) montrent que des demi-masques jetables utilisés dans le bâtiment et l’industrie perdent rapidement toute efficacité. Réaction timorée du ministère qui prévoit la révision des normes d’homologation mais ne prend aucune mesure immédiate pour protéger les populations concernés.

Troisième exemple : la réunion d’information sur les cancers professionnels organisée par l’INRS, début juillet. Nous aurions salué cette initiative si ses organisateurs s’étaient abstenus de donner la parole au représentant de l’industrie des fibres céramiques réfractaires, qui s’est empressé de relativiser les résultats des travaux scientifiques sur le caractère cancérogène de ces fibres. On se serait cru revenu 20 ans en arrière, du temps du sinistre Comité permanent Amiante (CPA), pseudo structure de prévention entièrement contrôlée par les industriels, dont l’objectif était de préserver leurs intérêts au détriment de la santé publique.

Pourtant le plan national santé environnement, du gouvernement annonce que la France proposera à l’Union européenne l’interdiction de mise sur le marché des produits des fibres céramiques réfractaires.

Où est la vérité ?

Ces trois exemples montrent le chemin qui reste à parcourir. L’interdiction de l’amiante, les progrès en matière d’indemnisation des préjudices obtenus après des années de combat judiciaire par notre association, les progrès de la réglementation sur la prévention des risques dus aux substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, l’évaluation des risques... Tout cela n’est pas suffisant.
Nous devons poursuivre notre combat pour transformer radicalement la vision de la société sur la prévention des risques professionnels.
Ces derniers mois des avancées importantes ont eu lieu sur la préven-tion des accidents de la route. Pourquoi ne serait-il pas possible d’avancer sur la sécurité en milieu de travail ?

Nous considérons à l’Andeva que trois conditions majeures devraient être réunies pour opérer ce changement radical : il faut une réelle volonté politique du pouvoir exécutif comme du parlement sur ces questions de santé au travail ; il faut un renforcement net des contrôles de l’application de la réglementation et des sanctions, ainsi qu’une mesure de son efficacité ; enfin, il faut une réforme de la prévention qui repose davantage sur une logique de santé publique que sur une logique d’entreprise.

Le plan santé travail proposé par le ministère du travail est pour nous l’occasion de défendre ces idées forces et de d’agir pour qu’elles soient mises en oeuvre. Mais que restera-t-il de ce plan après la concertation avec les partenaires sociaux et un patronat hostile à toute réforme ? Quels moyens les pouvoirs publics sont-ils prêts à consacrer à la prévention des risques professionnels pour dépasser le stade des bonnes intentions ?

Autant de questions que nous devrons poser dans les prochains mois pour prolonger le combat des victimes de l’amiante et de notre association.

Le président
François Desriaux

(1) Institut national de recherche et de sécurité, pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ; l’INRS est un organisme paritaire, dépendant de la branche accident du travail maladie professionnelle de la Sécurité sociale.


article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°14 (octobre 2004)