« Nous sommes venus en TGV de Paris pour leur apporter notre solidarité »

Lorsqu’on a proposé à des adhérents de l ’ Addeva 93 d’aller manifester à Dunkerque, ils ne se sont pas fait prier. Eux aussi ont connu la maladie et le deuil. Eux aussi veulent que la Justice recherche et sanctionne les responsables.

Levés de bon matin, ils se sont tous retrouvés dans le TGV pour Dunkerque. Dominique et Mauricette sont, elles aussi, des veuves de l’amiante Henri et José ont été contaminés par l’Alstom, Abdelkader par le CMMP comme plusieurs membres de sa famille. Liliane est venue seule ; son mari contaminé au Comptoir Lyon Allemand était trop malade pour venir. Belaïd et Labib, deux anciens de la chaufferie de Renault Billancourt sont là. Jean est lui aussi du voyage. Il a déjà marché avec les veuves de Dunkerque en décembre. Il a tenu à revenir malgré son mésothéliome.

Devant le Palais de Justice de Dunkerque les veuves se rassemblent, plus nombreuses qu’en décembre, plus nombreuses aussi à porter une photo de leur mari. L’une d’elles est là pour la première fois : elle n’a pas eu le temps de faire un double de la photo de son mari ; elle défile en portant la photo dans son cadre. 600 personnes forment une manifestation silencieuse dans la ville. Il y a là des ouvriers de la Sollac, des Chantiers de France, de l’Usine des Dunes, des pêcheurs, des veuves d’une usine sidérurgique de la région, l’ADELFA (fédération d’associations), et l’Addeva 93. Leur présence renforce la détermination des Dunkerquois. Les manifestants observent deux minutes de silence, une pour les victimes de l’amiante et une pour celles du tsunami. Il y a ici un monde solidaire dans l’adversité, un monde qui se serre les coudes, et parle avec retenue des camarades disparus.

Pierre Carpentier témoigne de la souffrance de son ami Emile : quelques mots pour dire l’abîme de douleur où l’amiante plonge les malades. Emile, atteint d’un mésothéliome, voulait que Pierre soit là avant d’expirer. « On dit qu’il y a un dernier souffle, murmure Pierre. Il n’en a pas eu. Il a fermé les yeux. »

Devant le palais de justice, Pierre Pluta prend la parole : « Depuis la marche du 15 décembre 2004, la France compte 280 morts de plus, tués par l’amiante. Cent mille morts sont programmés dans les prochaines décennies. La justice estime donc que ces milliers de morts ce n’est la faute à personne. Une vie d’ouvrier n’a sans doute aucune valeur à ses yeux. »

Il rêve d’un mouvement qui pourrait fédérer toutes les énergies nées de la souffrance, de la colère et d’une soif de justice. « Notre action, est destinée à cimenter tous les vécus, ceux des malades, des salariés, des veuves. »

Avant de quitter la place, les militants de l’Ardeva disposent de grandes feuilles sur les marchesdu palais. Sur chacune, le dessin d’un visage triste, encadré des mots « Mort de l’amiante ».


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°15 (février 2005)