Le Clémenceau ne doit pas être désamianté en Inde.
Il est inacceptable que les grands pays industriels envoient leurs déchets toxiques dans des pays pauvres où n’existent
ni les lois, ni le contrôle social qui pourraient garantir la sécurité des salariés.

Le porte-avions Clémenceau a été désarmé en 1997. Démanteler un navire de cette taille qui contient de grandes quantités d’amiante pose des problèmes difficiles.

D’un point de vue financier la solution la moins coûteuse est d’exporter le risque vers des pays à bas revenus.

D’un point de vue éthique cela revient à considérer qu’il est acceptable de fabriquer des victimes de l’amiante loin de chez soi et que la vie humaine n’a pas le même prix en Europe ou en Asie.

Le Clémenceau fut d’abord vendu à une société espagnole. Cette dernière voulut le faire démanteler en Turquie. La tentative avorta. L’État français exigea que le démantèlement soit réalisé dans un des pays de la communauté européenne.

Le désamiantage fut donc commencé en France. Cela n’empêcha pas le ministère de la Défense de décider qu’il serait terminé en Inde, sur la plage d’Alang. Officiellement ce désamiantage partiel concerne 22 tonnes d’amiante. La quantité réelle est sans doute bien plus importante. Le ministère sait très bien que n’existent dans ce pays ni les lois ni le contrôle social susceptibles de garantir la sécurité des travailleurs contre le risque amiante.

Ce transfert d’un navire pollué en Inde est une opération illégale tant par rapport à la convention de Bâle qui interdit l’exportation de déchets dangereux que par rapport à la réglementation communautaire qui interdit d’exporter des déchets dans des pays tiers, lorsqu’il est possible de procéder aux opérations de démontage dans le pays d’origine. C’est une violation manifeste par l’État du principe de proximité.

Des procédures judiciaires ont été engagées devant diverses juridictions (civile, administrative et pénale) pour obtenir la suspension de ce transfert et le désamiantage du Clémenceau en France par des entreprises agréées.

L’Andeva et Ban Asbestos ont déposé un recours en référé devant le tribunal de Grande Instance de Paris. L’association Greenpeace s’est jointe à la procédure. Le Comité anti-amiante de Jussieu a engagé une procédure administrative. L’association Keep it blue, animée par Jo Le Guen a engagé une action au pénal.

Les enjeux de ces actions vont bien au-delà de la seule question du Clémenceau. l’évolution de la réglementation internationale prévoit le remplacement des navires à simple coque par des navires à double coque. La question du démantèlement et du désamiantage concerne non pas un seul mais des milliers de navires en fin de vie. Ce problème se pose en France et dans le monde entier. Tous les grands pays sont donc placés devant un choix : soit privilégier le gain financier en exportant le risque dans des pays pauvres, soit détruire eux-mêmes leurs déchets sur place avec des garanties de sécurité.

L’Andeva se bat pour
qu’ils assument les coûts
dus au respect de la santé et de la vie de tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité.


La Cour d’appel de Paris reconnaît le droit de l’Andeva à s’opposer au transfert du porte-avions en Inde et oblige l’État à produire le contrat de désamiantage

Elle a déclaré recevable l’action de l’Andeva et de Greenpeace s’opposant au transfert du bâtiment en Inde pour une opération de désamiantage, quand bien même « les personnes qui seront amenées à traiter l’amiante ne se trouvent pas sur le territoire français ». Elle a ordonné à l’État et à la société SDI de produire le contrat de désamiantage du porte-avion sous astreinte de 1500 € par jour de retard.

L’Andeva se félicite de cette décision qui devrait mettre en lumière les rapports entre l’État français et son contractant, une société de droit panaméen .

Les magistrats rappellent dans la motivation de l’arrêt les dispositions de la convention de Bâle « qui n’autorisent les mouvements transfrontières en vue de l’élimination des déchets dangereux qui si l’État exportateur ne dispose pas des moyens pour les éliminer ».

Forte de cette décision, L’Andeva a mandaté aussitôt un huissier de justice pour récupérer le contrat entre l’État et la société SDI. Elle les assignera devant le tribunal de grande instance de Paris pour demander l’interdiction du départ du Clémenceau. Si d’ici là l’État tentait un coup de force en faisant appareiller le « Clemenceau », ce serait un véritable délit de fuite.


Articles parus dans le Bulletin de l’Andeva N°16 (avril 2005)