Au terme, de plus de 30 heures d’âpres discussions, un Plan Amiante a été obtenu par le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP).

Le 16 février, les membres du CHSCT de l’hôpital Saint-Louis à Paris sont informés par leur direction : un médecin du travail, en poste à Saint-Louis depuis quelques mois, a découvert des plaques pleurales dans les poumons de 12 agents de maintenance (ils seront 7 de plus quelques jours plus tard). Un véritable électrochoc pour les ouvriers d’abord, puis les membres du CHSCT local. « L’amiante, ce n’était pas la première fois qu’on en parlait, témoigne Frédérique Lecocq, représentante CGT au CHSCT central (qui couvre les 39 établissements de la région parisienne). Mais ce n’était jusque-là qu’un risque parmi tous les autres risques présents en milieu hospitalier. »

Le lendemain même une procédure de « danger grave et imminent » est ouverte pour tous les hôpitaux de l’AP-HP. Une visite conjointe de l’hôpital et des ateliers de Saint-Louis avec l’employeur est exigée.
« Face à la détresse des ouvriers, il fallait réagir et poser le problème pour tout le monde » relate Frédérique Lecocq. Dans les sous-sols, les membres du CHSCT et de la Direction Générale découvrent l’amiante. On peut la toucher, effritée, en tendant la main vers le plafond. « En deux jours ceux qui travaillaient là ont pris conscience des dangers de l’amiante. Certains ont eu du mal à reprendre le boulot »

Les représentants du personnel imposent un CHSCT extraordinaire. Il y en aura six en tout, et pas moins de 30 heures de négociations avant de parvenir à un accord le 25 mars dernier : le plan d’action amiante de l’AP-HP.

« Nous avons exigé l’application des textes réglementaires et certaines mesures vont au-delà. Plus question d’avoir confiance ! Depuis trop longtemps, on nous affirmait qu’il n’y avait pas de danger. On a demandé, où en étaient les dossiers techniques amiante (DTA), le nombre de fiches individuelles d’exposition, le nombre d’agents sous surveillance médicale renforcée et le suivi des consignes délivrées au personnel… On a découvert un état des lieux terrible. »

Des médecins du travail freinent des quatre fers sur les exigences de diagnostic par scanner pour tous

les salariés concernés : « Pourquoi s’occuper de l’amiante ? Cela concerne très peu de personnes... »« Un scanner ? C’est soumettre les agents hospitaliers à des sur-risques de radiations » !..

Le diagnostic par scanner sera tout de même obtenu, ainsi que l’inscription de l’objectif de supprimer le danger dans le préambule du plan d’action. « Nous sommes très fiers d’avoir obtenu le recensement des personnels exposés, au sein de l’AP-HP et parmi les entreprises sous-traitantes. Il faut n’oublier personne, ni les personnels de ménage, ni les ascensoristes… »

Il s’agit maintenant de veiller à l’application d’un plan obtenu à l’arraché. Ce ne sera pas une mince affaire. Aucune ligne budgétaire n’est consacrée à cet énorme chantier de prévention et de suivi. Des réticences persistent : chez l’employeur qui évoque les risques de « psychose » quand on lui demande d’informer le personnel ; chez les agents hospitaliers eux-mêmes confrontés au quotidien à la maladie, la souffrance et la mort : pour eux l’amiante n’est qu’un risque parmi d’autres, aux effets encore largement invisibles parce que différés.

Certains pensent que l’amiante n’est pas une priorité. Mais, pour Frédérique Lecocq, ce n’est pas du temps perdu : la méthodologie du plan amiante peut être utilisée pour d’autres produits dangereux ; ce plan est modélisable pour d’autres bâtiments administratifs. « Au-delà du personnel d’entretien, tout le monde est concerné, dit Frédérique. Le sujet est loin d’être épuisé. Cela ne fait que commencer »...


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°16 (avril 2005)