Dans un rapport partisan, basé sur des
chiffres faux, elle propose de rogner sur la cessation anticipée d’activité amiante (l’Acaata) pour verser une partie des
sommes économisées au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (le Fiva).

Une idée résume le rapport de la Cour des comptes : les victimes de l’amiante coûtent trop cher. Elles sont accusées d’avoir agi comme un « groupe de pression », obtenant ainsi des mesures trop favorables qui en font d’elles des privilégiées par rapport aux autres salariés.
En arrière toute !

Le rapport considère que le dispositif de l’allocation de cessation anticipée amiante (Acaata) s’est trop élargi. Il se conclut par trois recommandations :

1) « Recentrer » l’Acaata sur les maladies ;

2) Inclure une redéfinition de l’Acaata dans le cadre de futures négociations avec les syndicats sur la pénibilité ;

3) Affecter les sommes ainsi « économisées » à une indemnité faute inexcusable versée par le Fiva aux victimes ayant un cancer.

Que veut dire « recentrer » l’Acaata sur les maladies ?

Limiter l’accès à la cessation aux seuls malades ? Cela reviendrait à exclure 90% des personnes qui bénéficient de cette allocation parce que leur établissement est inscrit sur une liste !

Considérer le nombre de maladies professionnelles reconnues sur un établissement comme le critère déterminant pour inscrire un établissement sur les listes ? Cette proposition n’a aucun sens. D’abord parce que beaucoup de malades ne font pas de déclaration ; ensuite parce que les deux tiers de ces maladies surviennent après 60 ans ; enfin parce que certaines d’entre elles ont une évolution rapide et une issue fatale..

N’oublions pas que si la « pré-retraite » amiante a été créée, c’est parce que beaucoup de personnes exposées à l’amiante ne profitaient pas longtemps de leur retraite. Au 1er janvier 2004, 344 allocataires étaient sortis du dispositif, parce qu’ils étaient décédés avant 60 ans...
Pour l’Andeva, le critère central pour ouvrir le droit à l’Acaata, c’est l’existence d’une exposition professionnelle significative à l’amiante réduisant l’espérance de vie des salariés.

Si, en l’absence d’autres systèmes de retraite anticipée, une poignée d’employeurs a voulu à utiliser l’Acaata pour s’offrir des plans sociaux bon marché, ce n’est pas de notre fait.

L’Andeva est en désaccord avec la proposition d’inclure une redéfinition de la « pré-retraite amiante » dans des négociations fourre-tout sur la pénibilité avec les syndicats.

Des droits à défendre et à étendre

Ce que défend l’Andeva ce sont d’abord des principes et des droits :

- Le droit pour toutes les victimes de l’amiante à une réparation intégrale de tous leurs préjudices

- Le droit pour tous les salariés dont l’exposition à l’amiante au travail a réduit l’espérance de vie de terminer plus tôt que d’autres leur activité professionnelle.

Les luttes des victimes de l’amiante ont abouti à la création du FIVA et du FCAATA. Ces fonds sont récents. Ils ne sont sans doute pas parfaits. Mais ils ont le mérite d’exister. Nous les défendrons, tout en luttant pour les améliorer. S’il y a des injustices, nous sommes prêts à en discuter. Mais c’est en harmonisant par le haut qu’il faut les corriger, et non en supprimant des acquis existants pour retourner en arrière :

- Il faut lever la discrimination par le statut qui refuse ce droit aux fonctionnaires, aux militaires ou aux agents des collectivités territoriales.

- Il faut lever la discrimination par l’argent qui barre l’accès de l’Acaata aux petits salaires qui ne peuvent pas faire vivre une famille avec 65% du brut.

- Il faut supprimer l’injustice qui exclut du dispositif des salariés qui ont été massivement exposés (dans le BTP ou les fonderies par exemple).

Faire payer les responsables

Quant à l’indemnité faute inexcusable elle est déjà prévue par la loi. Pour la financer, le Fiva n’a qu’à engager des actions récursoires contre les employeurs responsables.


LA COUR DES COMPTES
NE SAIT PAS COMPTER

A en croire le rapport, le niveau des indemnisations accordées par le Fiva seraient supérieur à ce que donnent les tribunaux des affaires de Sécurité sociale (TASS) si la faute inexcusable de l’employeur est reconnue.

Or c’est exactement l’inverse ! Sauf exception locale, les TASS accordent en général des sommes très supérieures à celles que donne le Fiva !
Et les victimes qui contestent l’offre du Fiva en cour d’appel obtiennent souvent une majoration de leur rente et une meilleure réparation de leurs préjudices extrapatrimoniaux.

Si, comme le prétend la Cour des comptes, l’indemnisation par les TASS était presque toujours inférieure à l’indemnisation par le Fiva, le nombre d’actions judiciaires en faute inexcusable aurait baissé. Ce n’est pas le cas.

Comment les auteurs du rapport ont-ils pu commettre une erreur si grossière ?

La logique voudrait qu’on compare des situations comparables : même maladie, même taux d’incapacité... Or le rapport compare des niveaux d’indemnisations sans tenir compte de l’incapacité ! Autant comparer des choux et des carottes…

L’Andeva avait signalé cette bévue à la Cour des comptes. S’appuyant sur les résultats de plusieurs centaines de procédures judiciaires, elle avait démontré que ce raisonnement ne tenait pas debout.

Les magistrats de la Cour des comptes ont persisté dans l’erreur. Une erreur qui n’est pas innocente, car elle permet de conforter l’idée que « les victimes de l’amiante coûtent trop cher » et d’esquiver une question essentielle : un fonds public qui prétend appliquer le même principe que les juges des Tass (la réparation intégrale de tous les préjudices) peut-il s’arroger le droit de donner deux fois moins qu’eux aux victimes ?


Articles parus dans le Bulletin de l’Andeva N° 16 (avril 2005)