Yannick Jadot est directeur des campagnes de l’association Greenpeace France. Pour lui le succès de cette campagne tient essentiellement à la coalition entre les écologistes, les associations des victimes de l’amiante et les associations de défense des droits de l’homme.
Il tient aussi à sa dimension internationale qui a su combiner des actions judiciaires en France et une mobilisation des syndicats et de l’opinion publique en Inde.

« Cette affaire est symbolique de l’application du droit international
en matière d’exportation des déchets dangereux
 »

A quel titre l’affaire du Clemenceau vous semble-t-elle symbolique ?

Yannick JADOT : Nous travaillons depuis vingt ans sur la question de l’exportation des déchets toxiques des pays du Nord vers les pays du Sud, et depuis dix ans sur l’exportation des navires en fin de vie. Nous avons ainsi mené plusieurs actions à travers le monde.
Le Clemenceau est pour nous un symbole car c’est un navire d’État. Il renvoie de fait à l’application du droit international que les pays se doivent de ratifier. Mais le Clemenceau est aussi symbolique d’une forme de mondialisation arrogante des pays du Nord vers les pays du Sud, mondialisation que nous dénonçons.

Pensez-vous que le Clemenceau aura des répercussions mondiales sur la question de l’exportation des navires en fin de vie ?

C’est indéniable. Le Clemenceau a certes eu une forte résonance en France, mais il va aussi influencer les négociations internationales.
Cette affaire devrait notamment modifier l’industrie des navires en fin de vie en matière de dépollution. Le Président de la République s’est d’ailleurs engagé à contacter ses partenaires à ce sujet.
Par ailleurs, elle a permis de faire la lumière sur les conditions de travail dans les chantiers de démolition et d’espérer de fait une réelle amélioration de ces conditions de travail.
Le patron de SDI lui-même a déclaré que les conditions de travail ne seraient plus les mêmes sur les chantiers. Si les industriels veulent continuer ces chantiers, ils devront faire des efforts pour les conditions de travail.
Enfin, le Clemenceau va peut être impulser une réel partenariat entre les pays du Nord et les pays du Sud pour accélérer la mise au norme de sécurité, même si ce n’est pas gagné.
On peut en effet envisager une dépollution sérieuse avec un transfert de technologies.

C’est la première fois que vous travaillez avec l’Andeva. Qu’apporte selon vous cette coopération inédite ?

Le succès de la campagne tient essentiellement à la coalition entre les écologistes, les associations des victimes de l’amiante et les associations de défense des droits de l’homme.
La campagne s’est construite autour de trois déclinaisons, à savoir la question des déchets environnementaux, la problématique de santé publique ainsi que celle des conditions de travail. Et c’est la complémentarité des associations au regard de ces trois champs d’action qui a été déterminante pour la victoire.
La dimension internationale de Greenpeace a également été très utile.
Greenpeace Inde a pu mobiliser les syndicats et l’opinion publique en Inde, les actions en justice menées en France par les associations et le lobbying auprès de la Cour suprême indienne sont venus se renforcer mutuellement.

Propos recueillis par Joëlle MARASCHIN


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°19 (avril 2006)