Des questions nous brûlent les lèvres : comment a pu germer ce projet incroyable de faire une BD sur l’amiante ? Comment les dessinateurs ont-ils fait pour arriver à cette impression criante de vérité qui ne peut laisser personne insensible ?


Il était une fois...

Il était une fois un journaliste, grand amateur de BD, qui suivait depuis dix ans les problèmes de l’amiante.
Un beau matin, il eut l’idée un peu folle de faire se rencontrer deux univers que tout semblait séparer : celui des dessinateurs de bandes dessinées : inspiré, créatif, onirique... et celui des victimes de l’amiante porteuses d’une longue histoire pétrie de souffrances et de luttes.
Douze dessinateurs se mirent au travail, découvrant une réalité qu’ils ne soupçonnaient pas. Ce fut pour eux un choc.

Le résultat est magnifique. A travers 15 aventures singulières, c’est un siècle d’Histoire de l’amiante qui se déroule sous nos yeux étonnés : le rapport de l’inspecteur du travail Auribault, la lutte des femmes d’Amisol, les grèves sur les conditions de travail, l’hécatombe aux chantiers de Saint-Nazaire, la marche des veuves de Dunkerque...

Les victimes et leurs familles se reconnaissent avec émotion dans ce recueil, qui rend compte avec sensibilité et parfois avec violence du drame qu’elles ont vécu.

Le monde de la BD a rendu hommage à cet OVNI en lui décernant fin janvier le prix Tournesol (qui récompense la meilleure BD « écolo-citoyenne » de l’année) au Festival d’Angoulème.


Albert Drandov raconte...

« Je suis journaliste indépendant sur les questions de santé et d’environnement, explique Albert Drandov. J’ai suivi l’affaire de l’amiante depuis une dizaine d’années. J’ai toujours eu le sentiment que les medias ne lui accordaient pas assez d’importance. Comme si finalement une vie d’ouvrier ne valait pas grand chose.
Je suis aussi un fan de bandes dessinées. J’ai souvent regretté que la BD s’intéresse aussi peu aux phénomènes de société. Je souhaitais qu’elle soit plus ancrée dans le réel.
 »

Cette aventure graphique est donc née du désir de donner à voir le drame de l’amiante par sa mise en image, en cherchant à toucher des publics peu familiers des problèmes de société.

« Sur l’amiante étaient parus quelques livres-choc, mais il y avait peu d’images. Je souhaitais montrer des histoires vécues et des colères citoyennes sur l’amiante. »

Albert Drandov trouve un petit éditeur, Kristijan Cvejic assez téméraire pour prendre le risque de se lancer dans ce projet. Très vite ils se mettent au travail.

« Nous avons choisi d’évoquer l’affaire de l’amiante à travers une quinzaine d’histoires qui se déroulent en différents lieux et à différentes époques, de 1906 à la marche des veuves de Dunkerque, en nous focalisant sur l’aspect humain. »

Un tel pari implique d’abord un énorme travail de documentation.

« Grâce notamment à l’Andeva j’ai pu avoir accès à des documents, à des archives, et prendre contact avec des personnes du réseau des associations.
Pour construire cette BD j’ai utilisé des outils de journaliste et d’historien (j’ai été étudiant en histoire). Nous avons fait le choix d’insérer des documents authentiques, ce qui donnait du crédit à ces histoires.
La première histoire est celle de l’inspecteur du travail Auribault, qui a écrit en 1906 un rapport sur les dangers de l’utilisation d’amiante dans les filatures de Normandie. Nous avons cherché des documents d’époque, retrouvé des cartes postales anciennes qui montraient l’intérieur des anciennes filatures de la vallée de la Vere
 ».

Cette création impliquait aussi des choix esthétiques.

« Nous savions que le premier public qui achèterait la BD serait des victimes, leurs familles, des familiers de l’affaire. Un public pas familiarisé avec un style graphique trop audacieux. D’où ce choix de style réaliste ».

Restait à trouver des volontaires parmi les dessinateurs, dont très peu connaissaient au départ le problème de l’amiante.

« J’ai écrit les histoires, avec un petit coup de main de l’éditeur. Ensuite celui-ci s’est chargé de trouver des dessinateurs. Ils ont été emballés par le projet. Cette BD les sortait de leur monde imaginaire pour les tourner vers le réel. Il faut savoir qu’en France, 35 millions de BD sont vendues chaque année, avec environ 3000 nouveautés. Sur l’ensemble, à quelques exceptions près, rares sont les BD qui traitent du réel. »

Comment articuler le projet ambitieux de retracer une histoire de l’amiante qui s’étend sur près d’un siècle et une quinzaine d’histoires singulières vécues par ceux qui en furent à la fois les acteurs et les victimes ?

« Le travail a été réalisé en plusieurs temps : j’ai d’abord écrit l’histoire. Puis nous avons fait le découpage avec Christian Cvejic qui est à la fois éditeur et lui-même dessinateur. Nous avons élaboré ce qu’en termes de métier on appelle un « crayonné ». A charge ensuite à chaque dessinateur de restituer une histoire avec sa propre sensibilité. »

On ne sort par indemne d’un tel travail. La puissance émotionnelle de certains dessins en témoigne.

« Pour les dessinateurs, cette aventure a été un choc : parce qu’ils dessinaient du réel, parce qu’ils étaient embarqués dans un projet au service d’une cause. Cela les a valorisés.
L’affaire de l’amiante avait une ampleur qu’ils ne soupçonnaient pas. La plupart en ont pris conscience au travers de ce projet.
Plusieurs nous ont dit l’émotion qu’ils ont ressentie devant la situation des victimes
. »
Ils ont ressenti un deuxième choc à la sortie de cette BD.

La première séance de dédicace a eu lieu à Condé-sur-Noireau. Près de 400 personnes ont visité l’exposition au moment de l’inauguration d’un monument aux morts de l’amiante. Une dame s’est approchée d’un dessinateur et lui a dit : « vous voyez le Monsieur qui joue de la musique pendant la grève, c’est mon père... »
Un autre dessinateur a sursauté en voyant un ouvrier arriver avec sa bouteille d’oxygène, comme sur la couverture de la BD, pour lui demander de lui dédicacer la BD avec un dessin.
La BD a été tirée à 2000 exemplaires. Elle se vend bien. Elle en est déjà à son deuxième tirage
Les auteurs ont décidé que 10% des gains seraient versés à l’Andeva.


 

LES AUTEURS DE LA BD

Scénario :
Albert DRANDOV / DIKEUSS
Découpage :
DIKEUSS / Albert DRANDOV
Dessins :
Pauline CASTER / CORDOBA Fred COICAULT / Ian DAIRIN DIKEUSS / Kkrist MIRROR LAZOO / Jean-Frédéric MINERY Jean-François MINIAC Thierry OLIVIER / UNTER


POUR LA COMMANDER :

Cet album peut se commander
chez un libraire ou directement à :

Septième Choc Editions
BP 36. 78540 Vernouillet.

Chèque de 15 euros par BD
(+ 3 euros de frais d’envoi)
à l’ordre de « Septième Choc éditions ».

Pour les commandes en nombre via les associations,
les 10% reversés
au réseau Andeva
sont appliqués par anticipation.


UNE EXPO ITINÉRANTE

Une exposition sur cette BD
a été réalisée.
Elle est mise à disposition
gratuitement dans le cadre
d’événements ponctuels

- une journée un week-end -
pour des initiatives du réseau Andeva (seuls les frais de
transports sont à payer)

Elle peut aussi être
louée à la semaine (250 €)
ou pour 15 jours (400 €)
par un CE, un syndicat,
une mutuelle, une mairie...

Les auteurs peuvent venir
la présenter et dédicacer des BD.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°19 (avril 2006)