L’ADEVA NC est née de la rencontre entre deux histoires : celle d’André Fabre, minéralurgiste en retraite, excellent connaisseur de l’histoire géologique de la Nouvelle Calédonie, et celle de Laurent Lhermitte, enseignant, fils d’un salarié de Seine-Saint-Denis, décédé d’un mésothéliome d’origine professionnelle.

Pendant huit ans André a tenté de sensibiliser les autorités aux risques dus à la présence d’amiante dans l’environnement naturel et aux méthodes utilisées dans l’exploitation des gisements de nickel. En vain. Il s’est alors tourné vers « Que Choisir ? » puis vers l’Andeva.

Une contamination massive

Sur cette île où vivent 220.000 habitants, on compte chaque année au moins 16 morts de l’amiante soit entre 1 et 2 par mois. Les maladies respiratoires sont nombreuses. «  Un rapport de l’INSERM a mis en évidence un taux de mésothéliomes dix fois plus élevé qu’en métropole, explique André. En fait le nombre de maladies recensées est très inférieur à la réalité. Beaucoup de zones n’ont pas de réelle couverture médicale. Quand on y meurt à 60 ou 65 ans, personne ne se donne les moyens de connaître la cause exacte du décès. »

Quelle est l’origine de cette contamination ?

« Ici, explique André, la principale source de pollution est environnementale. Les roches amiantifères occupent près de 40% du territoire. Il y a pratiquement toutes les variétés d’amiante à l’état naturel. On trouve une situation analogue en Haute Corse ».

Deux faits confirment l’importance de la pollution environnementale : ici le mésothéliome touche presque autant de femmes que d’hommes (en métropole les femmes représentent 5% des victimes indemnisées par le Fiva). Et les maladies de l’amiante, rares à Nouméa, touchent surtout la population mélanésienne qui vit au contact du milieu naturel.

Les médias ont beaucoup parlé du «  », un enduit utilisé comme le lait de chaux pour badigeonner des cases en torchis. Il contient une variété d’amphibole : la trémolite. Des fonds ont été débloqués pour éradiquer le Pô des habitations. Mesure utile, mais très insuffisante, car la contamination par l’amiante ne se limite pas aux habitations traditionnelles.

« Les associations de parents d’élèves ont été informées que des établissements scolaires contenaient des matériaux amiantifères, explique Laurent. Je connais des personnes contaminées dans un lycée ».

Sur les pistes de terre non bitumées le passage des véhicules soulève des nuages de poussières d’amiante. En 1994, un prélèvement de 18 minutes par une pompe placée sur une voiture suivant un autre véhicule révèle une concentration de 669 fibres de trémolite par litre et de 1276 fibres de chrysotile (META)* dans les poussières soulevées. Rien n’est fait. Malgré les mises en garde, on organise même des courses automobiles...

Enfin il y a surtout les mines de nickel à ciel ouvert. « J’ai constaté que les géologues qui avaient guidé les épidémiologistes de l’INSERM sur le terrain avaient « omis » de leur signaler la présence d’amiante chrysotile sur les sites miniers, poursuit André. Quand on regarde la carte géologique de l’île, il est pourtant clair que dans toutes ces zones existent ou ont existé des mines de nickel. »

Francine Baumann, épidémiologiste de l’Institut Pasteur de Nouméa, qui tient pour la DASS-NC le registre des cancers a mis en évidence « l’absence de lien systématique entre la présence de cases enduite de pö et les cas de mésothéliomes » (AFP 20 mai 2005)
Il règne une véritable omerta sur la pollution amiante par l’industrie du nickel, principale activité économique de l’Île (aujourd’hui convoitée par les canadiens). Pourtant c’est bien là que se situe aujourd’hui le principal danger. A Houaïlou, sur la côte Est, d’anciennes exploitations minières, ont été laissées à l’abandon. Le sol, labouré par l’industrie extractive, est soumis aux agressions du climat et libère en permanence des fibres d’amiante chrysotile.
ci le risque d’avoir un mésothéliome est 100 fois plus élevé qu’à Nouméa...

Microscopie électronique à transmission analytique

L’association sur tous les fronts

Née il y a quelques mois, l’ADEVA NC fait déjà entendre sa voix. Elle demande que soit enfin réalisée en toute indépendance une vaste étude de la pollution environnementale sous tous ses aspects. Elle réclame aussi des mesures de prévention élémentaires telles que la revégétalisation des sites miniers abandonnés.

Le lobby des industriels du nickel est puissant. Le combat est difficile. Il faut du courage et... de l’obstination.

On utilisait de l’amiante dans l’usine de fusion du minerai de nickel. Or l’indemnisation des maladies professionnelles dues à l’amiante en est au degré zéro. Au cours des 5 dernières années (de 2000 à 2004), 266 maladies professionnelles ont été reconnues en Nouvelle Calédonie. 2 seulement concernaient l’amiante.

Mais le problème le plus brûlant est celui victimes environnementales, de loin les plus nombreuses. N’étant pas salariées, elles ne peuvent être indemnisées que par le Fiva. Les premiers dossiers ont été déposés. Ils sont suivis par un avocat, maître Ledoux. Trois ont été déclarés recevables par le Fiva, mais aucune indemnisation n’a encore été versée.

D’emblée ces demandes se sont heurtées à des difficultés. La CAFAT (assurance maladie calédonienne), a refusé un moment de communiquer des documents au Fiva, estimant que la législation métropolitaine n’était pas applicable en Nouvelle-Calédonie...

Étrange paradoxe : un suédois ou un tunisien contaminé en France a droit à une indemnisation par le Fiva ; mais un mélanésien, qui vote aux élections françaises et vit dans un territoire français d’outre-mer où il a été contaminé serait privé de ce droit !... Afin de dissiper toute ambiguïté, l’Adeva NC demande que l’applicabilité du Fiva en Nouvelle Calédonie soit inscrite dans la loi.

Les mêmes difficultés pourraient surgir pour l’Allocation de cessation anticipée amiante : à ce jour aucune entreprise de l’île ne figure sur les listes ; aucune victime reconnue en maladie professionnelle n’a bénéficié jusqu’ici de ce dispositif.

L’Adeva NC a donc du pain sur la planche, mais ses animateurs ont montré qu’ils ne manquaient pas d’énergie.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°19 (avril 2006)