Dix ans après la création de l’Andeva, dans un pays au bord d’une crise sociale majeure, les victimes de l’amiante et leur association ont au moins trois motifs de satisfaction.

Tout d’abord, la perspective d’un procès pénal de l’amiante se rapproche enfin. C’est le résultat de la formidable mobilisation déclenchée par la marche de veuves et victimes de Dunkerque « pour la Justice, contre l’Oubli ». Toutes les trois semaines pendant près d’un an avec l’Ardeva du Nord-Pas-de-Calais elles ont tourné autour du Palais de justice. Tour à tour, des associations, des victimes, des familles venus de tout l’hexagone se sont donné rendez-vous pour les soutenir. Elles ont ému la France entière, par leur calme, leur dignité et leur détermination à obtenir que les responsables de la catastrophe sanitaire rendent des comptes à la justice. Lors de nos deux dernières assemblées générales, nous avions fait du pénal une priorité. Il était scandaleux que, dix ans après le dépôt des premières plaintes, les instructions se soient enlisées, avec des parquets apathiques ou hostiles et un ministère de la Justice indifférent à cette situation inacceptable. Le 15 octobre dernier, nous avons rassemblé près de 5000 victimes à Paris, les veuves, de Dunkerque et d’ailleurs, en tête de cortège. Cette mobilisation prolongée a permis de débloquer la situation. Désormais, les plaintes sont regroupées au pôle judiciaire de santé publique, instruites par des magistrats spécialisés ; le Parquet de Paris a ouvert, enfin, deux informations judiciaires et un point d’étape sera fait régulièrement avec les victimes et l’Andeva ; une cellule « amiante » d’officiers de police judiciaire a été créée pour seconder les juges dans leurs investigations. Les conditions existent pour que demain, les responsables soient jugés.

Le retour du Clemenceau est un second motif de satisfaction. Depuis un an et demi, l’Andeva s’est mobilisée, pour faire triompher le droit international contre la mauvaise foi du gouvernement français. Nous refusions qu’une opération à hauts risque pour la santé des travailleurs et pour l’environnement soit sous-traitée dans un pays qui ne dispose ni de la réglementation, ni du savoir-faire pour la réaliser en toute sécurité. Nous avions la loi pour nous. Encore fallait-il la faire valoir devant les tribunaux. Pour cela, nous avons coopéré avec d’autres associations, notamment Greenpeace avec qui nous avons noué une grande complicité. La visite rocambolesque à l’Elysée, avec nos amis des associations de Dunkerque, de Saint-Nazaire et du Havre – anciens des chantiers navals et des arsenaux connaissant bien l’amiante à bord des navires – restera dans les mémoires ! L’Addeva du Finistère a aussi apporté son aide. Cette mobilisation judiciaire, politique et médiatique nous a permis de gagner la bataille de l’opinion publique et d’obtenir que l’ancien porte-avions soit désamianté en France. Nous veillerons à ce que cette opération soit exemplaire.

Des missions d’information du Sénat et de l’Assemblée nationale ont enfin examiné les circonstances et les conséquences de la catastrophe de l’amiante. Il était aberrant que le parlement ne s’interroge pas sur ce qui s’est passé et ne cherche pas à en tirer les leçons pour l’avenir. Les rapports contiennent de très bonnes propositions, des moins bonnes et d’autres carrément inacceptable. Nous allons travailler maintenant avec les parlementaires du groupe d’étude amiante de l’Assemblée pour faire le tri et tenter de traduire celles qui nous conviennent en évolutions législatives et réglementaires favorables. Mais d’ores et déjà, la représentation nationale est prévenue. Si d’aventure, elle remettait en cause les avancées sociales que nous avons obtenues devant les tribunaux, la réaction des victimes et de l’Andeva sera à la mesure de ce que représente notre association aujourd’hui : une force incontournable.

Le président
François DESRIAUX


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°19 (avril 2006)