J’étais salarié du CMMP à Aulnay-sous-Bois (1) dans les années de 1960 à 1963. J’occupais la fonction de l’entretien des broyeurs et de toute la mécanique des machines. Il m’arrivait souvent avec d’autres collègues de l’entretien à l’issue d’une panne de broyeur d’amiante, de pénétrer à l’intérieur du broyeur pour réparer ou changer les pièces nécessaires au broyage. De toute façon, quel que soit le travail, j’étais en permanence en contact avec toute la poussière d’amiante présente dans tous les locaux. Je me souviens des nuages de poussière dans ces ateliers où à certains moments, on ne distinguait pas son collègue de travail à plus de trois mètres.

Tous nos vêtements de travail étaient couverts de poussières, tout cela sans aucune protection, si ce n’est un petit masque en tissu et un litre de lait par personne et par jour comme anti-poison. J’atteste que la plupart des ouvriers étaient des pères de famille nombreuse et ce fameux lait était ramené à la maison pour les enfants.

Nous étions tous couverts de cette poussière et même suite à une douche il était très difficile d’enlever la totalité (cheveux, nez, oreilles).
Je suis atteint de plaques pleurales dues à l’amiante et reconnu en maladie professionnelle et je suis sous surveillance médicale.

Mon père, qui aussi avait travaillé plusieurs années en qualité de chef d’équipe dans cette usine , est décédé à l’âge de 58 ans par cancer du poumon causé par l’amiante, ainsi que plusieurs membres de ma famille très proche, ayant travaillé dans cette usine, tous décédés avant l’âge de leur retraite, dont un cousin qui remplissait les broyeurs, décédé à l’âge de 44 ans en laissant quatre enfants en bas âge. Sa veuve a touché une petite indemnité.

Je me souviens que mon père rentrait à la maison avec ses vêtements de travail pour continuer à s’occuper de son petit jardin. Ma soeur, qui avait à l’époque 8 ans jouait avec lui ; malheureusement pour elle, nous venons d’apprendre que 40 ans plus tard elle est aussi atteinte de plaques pleurales très importantes.

Il m’arrive souvent de passer devant l’école qui se trouve juste à côté de l’usine. A chaque fois, j’ai la gorge serrée en pensant à tous ces petits enfants innocents qui jouent dans la cour de récréation à côté des murs de cette usine de la honte.

Depuis des décennies aucune initiative ferme n’a abouti de la part des hautes autorités. Tout le monde connaît pourtant le danger de l’amiante.

Je trouve scandaleux que cette usine n’ait pas encore été déconstruite. Je suis scandalisé que pour une histoire d’argent des discussions sans fin se déroulent pour minimiser le coût des travaux, alors qu’il y a un danger énorme.

J’en appelle à tous les responsables concernés : il est urgent d’agir au plus vite, car la Santé n’a pas de prix.

Abdelkader MEZZOUGHI
(ancien ouvrier du CMMP)


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°19 (avril 2006)