Non, la plupart des cancers ne sont pas dus à la “malchance”

Le Centre international de recherche sur le Cancer (CIRC), exprime « de profonds désaccords » avec une étude scientifique selon laquelle les facteurs  environnementaux et de mode de vie ne seraient à l’origine que de moins d’un tiers des cancers.

Les médias ont donné un large écho à l’étude de Cristian Tomasetti et Bert Vogelstein, un professeur d’oncologie de l’université John Hopkins et un biomathématicien, parue dans la revue Science en février.

Elle compare le nombre de divisions des cellules souches sur la vie entière dans un grand nombre de tissus différents avec le risque de cancer sur la vie entière et suggère que des mutations aléatoires (en d’autres termes, la “malchance”) seraient “les principaux contributeurs à l’ensemble des cancers, souvent plus importants que les facteurs héréditaires ou les facteurs environnementaux extérieurs”.

Dans un communiqué paru le 20 janvier (1), le CIRC reproche aux auteurs de «  mettre plus l’accent sur la détection précoce de la maladie que sur la prévention de sa survenue. Si cette position était mal interprétée, elle pourrait avoir de sérieuses conséquences négatives, à la fois pour la recherche sur le cancer et pour la santé publique. »

“Nous savions déjà que pour un individu, il existe une part de hasard dans le risque de développer tel ou tel cancer, mais cela a peu à voir avec le niveau de risque de cancer dans une population”, explique le Dr Christopher Wild, Directeur du CIRC. “Conclure que la malchance est la principale cause des cancers serait trompeur et peut gravement obérer les efforts entrepris pour identifier les causes de la maladie et la prévenir efficacement”.

Si les conclusions de cette étude étaient valides, la répartition des cancers devrait être identique sur tous les continents. Or les études épidémiologiques montrent qu’elles varient dans l’espace et dans le temps : ainsi  « le cancer de l’œsophage est fréquent chez les hommes en Afrique de l’Est, mais rare en Afrique de l’Ouest. Le cancer colorectal, qui était rare autrefois au Japon, a vu son incidence quadrupler en seulement vingt ans. »  Ces observations montrent que les facteurs liés à l’activité industrielle, à l’environnement et aux modes de vie « ont un rôle majeur dans l’apparition des cancers, par opposition à la variation génétique ou au hasard (la “malchance”). »

Les experts du CIRC pointent des « limites méthodologiques » et des « biais dans l’analyse ». Ainsi ce rapport met l’accent sur des cancers très rares  qui  « ne représentent qu’une petite part du fardeau de l’ensemble des cancers » et exclut - faute de données - des cancers fréquents tels que « ceux de l’estomac, du col de l’utérus et du sein,  pour lesquels l’incidence diffère sensiblement entre populations et dans le temps. »

 

(1) Le texte intégral du communiqué est en ligne sur le site du CIRC :

http://www.iarc.fr/fr/media-centre/pr/2015/pdfs/pr231_F.pdf


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°48 (avril 2015)