J&J arrête la vente de la poudre « Johnson’s baby powder » aux USA et au Canada

L’Andeva écrit au Ministre de la santé

Les réactions internationales

D'autres sociétés aussi...


Johnson & Johnson arrête la vente de la poudre « Johnson’s baby powder » aux USA et au Canada

Le 19 mai, J & J, le plus grand fabricant de produits de santé de la planète, a annoncé l’arrêt des ventes de son produit-vedette, le « Johnson’s baby powder »  aux USA et au Canada. Ces ventes s’étaient effondrées suite à la vague de procès engagés par des femmes victimes d’un cancer de l’ovaire ou d’un mésothéliome, après avoir utilisé cette poudre pour l’hygiène intime.

Au mépris des faits, la multinationale continue à prétendre qu’il n’y a jamais eu d’amiante dans ce talc.  Elle a annoncé que les ventes de ce produit allaient se poursuivre dans d’autres pays. Un contrôle renforcé de la composition des talcs importés dans les autres pays est nécessaire. En France l’Andeva a alerté le ministre de la Santé.

Un ras-de-marée de procès aux USA

A ce jour 19 400 procédures judiciaires ont été engagées aux États-Unis principalement par des femmes qui ont utilisé du talc « Johnson’s Baby Powder » pour l’hygiène intime et qui ont aujourd’hui un cancer de l’ovaire ou un mésothéliome.

Elles demandent à J&J le paiement de leurs frais médicaux, de leurs souffrances physiques et morales et de dommages et intérêts punitifs.

A Saint-Louis (Missouri) en juillet 2018, après six semaines de procès, J&J a été condamné à verser 4,69 milliards de dollars à 22 femmes et à leurs familles. D’autres procès ont été gagnés par J&J.

La médiatisation de ce raz-de-marée judiciaire a provoqué une défiance légitime chez les consommateurs. Les ventes de « Baby powder» ont dégringolé. Et J&J a dû finalement annoncer le 19 mai qu’il cessait de vendre ce produit aux USA et au Canada.

A leur tour d’autres sociétés américaines ont annoncé qu’elles cessaient de vendre des produits à base de talc  aux USA.

La présence d’amiante dans le talc était connue de longue date

Le talc est un minéral naturel extrait dans des mines. Dans les gisements exploités, le talc coexiste avec divers minéraux parmi lesquelles on peut trouver diverses variétés d’amiante.

Ce fait était connu depuis des décennies par les dirigeants de la société J&J. Des rapports internes à cette société remontant aux années 1970 le montrent. Et pourtant l’extraction, la production et la commercialisation ont continué pendant des décennies !

Et ce risque perdure. Une analyse récente réalisée aux Etats-Unis par La Food and Drug Administration (FDA), l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, a détecté une présence d’amiante dans la poudre J&J Baby. Il s’agissait de talc chinois contaminé par de l’amiante chrysotile.

Les preuves s’accumulent, mais J&J persiste à soutenir mordicus qu’il n’y a jamais eu d’amiante dans ses produits à base de talc. La société a annoncé qu’elle continuerait à les commercialiser hors du continent américain.

Les autres pays doivent réagir

Pourquoi ces produits retirés du marché américain devraient-ils continuer à être vendus en Europe, en Asie, en Australie ou en Afrique, alors qu’existent des produits de substitution (à base notamment d’amidon de maïs) qui peuvent être utilisés sans danger ?

C’est la première question que tous les gouvernements des autres pays devraient se poser.

En France, aujourd’hui, chacun peut commander sur Amazon un flacon de talc Johnsons Baby Powder de 200 grammes (origine : Thaïlande).

Pas d’analyse efficace sans microscopie électronique

Dans l’Union européenne, l’importation de produits contenant de l’amiante est interdite depuis 2005.

Le contrôle des produits importés ne devrait théoriquement pas poser problème.

Or il se heurte à trois difficultés :

1) Il n’existe pas de cartographie exhaustive donnant la composition des minéraux présents dans toutes les mines de talc de la planète.

2) Il n’existe pas d’étiquetage des produits donnant une traçabilité de l’origine du talc et une connaissance de sa composition.

3) Des méthodes d’analyse obsolètes sont encore utilisées.

En l’absence d’informations validées, un renforcement du contrôle des produits importés s’impose en France et dans l’Union européenne.

C’est la méthode d’analyse la plus sensible et la plus fiable qui doit être utilisée : la microscopie électronique (TEM) qui identifie des fibres d’amiante invisibles en microscopie optique.

En 1984 déjà, une analyse par microscopie électronique sur des poudres de talc cosmétiques avait détecté de l’amiante dans 6 des 14 échantillons provenant des marchés italiens et internationaux.

Une alerte internationale

Barry Castleman, consultant scientifique indépendant aux USA, a informé le réseau international des militants anti-amiante.

L’Andeva a alerté Olivier Véran, ministre de la Santé le 5 mars (voir lettre ci-contre).

Elle a écrit le 3 juin à Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, a qui le dossier a été transmis. en demandant à être reçue pour évoquer ce grave problème de santé publique.


L’ANDEVA écrit au Ministre de la santé

Le 5 mars dernier, Jacques Faugeron, le président de l’Andeva, a écrit à Olivier Véran pour demander un contrôle par microscopie électronique (TEM) de tous les produits cosmétiques et industriels contenant du talc importés en France et en Europe.

« Monsieur le ministre,

La présence d’amiante dans le talc, utilisé notamment dans certains produits cosmétiques et industriels pose un grave problème de Santé publique. Comme vous le savez, de nombreuses personnes atteintes d’un cancer ont engagé des poursuites judiciaires aux États-Unis contre le groupe Johnson & Johnson.

En France, une étude de l’Anses publiée en 2012 avait fait les recommandations suivantes :

- Établir une cartographie précise des différents gisements de talc dans le monde avec une identification des autres fibres minérales qu’ils sont susceptibles de contenir, et assurer la traçabilité des talcs, depuis leur extraction jusqu’à leur commercialisation en France.

- Qu’en l’absence de toute information fiable et validée sur l’origine des talcs, qui permette d’affirmer l’absence de contamination, de rechercher les particules allongées d’amphiboles ATA dans les talcs, ou dans les produits contenant du talc, commercialisés en France, qu’elles soient asbestiformes ou non asbestiformes, selon les méthodes réglementaires qui concernent la recherche d’amiante dans les matériaux.

- S’agissant des produits contenant du talc, commercialisés ou déjà en place, d’appliquer la réglementation sur l’amiante, en cas de mise en évidence de fibres d’amphiboles ATA.

- En milieu de travail, en cas de présence de fibres d’amphiboles ATA dans l’air inhalé par les travailleurs exposés au talc, ou aux produits en contenant, d’appliquer la réglementation sur l’amiante.

Notre association, l’Andeva, qui défend les victimes de l’amiante en France depuis 24 ans, souhaite connaître les mesures prises suite à ces recommandations.

Les personnes qui utilisent du talc ou des produits en contenant, dans leur vie quotidienne ou en milieu professionnel, sont en droit de demander des garanties sur leur provenance et leur composition exacte.

Notre association aimerait savoir quelles sont les méthodes précises de contrôle mises en œuvre en France et à l’échelle européenne pour s’assurer de l’absence de fibres d’amiante dans ces produits.

Elle vous demande également si ces contrôles concernent la totalité des produits mis sur le marché.

Plus précisément, nous voudrions savoir si tous les produits à base de talc actuellement vendus au public en France ont fait l’objet, avant leur mise sur le marché, d’une analyse préalable en microscopie électronique à transmission analytique (META), réalisée en France ou dans d’autres pays de l’Union européenne, afin de protéger la santé publique.

En vous remerciant par avance de l’attention que vous voudrez bien porter à ces questions et dans l’attente de vos réponses nous vous prions, Monsieur le Ministre, de recevoir nos respectueuses salutations.»

[Le ministère a accusé réception, mais les questions posées restent sans réponse à ce jour]


Retiré de la vente aux USA et au Canada, le talc pour bébé J&J ne doit plus être commercialisé dans les autres pays !

Le retrait du marché américain et canadien du talc pour bébé « J&J Baby Powder » et l’annonce simultanée de la poursuite des ventes dans les autres pays, alors qu’existent des produits de substitution sans danger ont suscité une vague internationale de réactions indignées. 

Laurie Kazan-Allen, coordinatrice du réseau international IBAS, constate que, dans un grand nombre de pays, des associations de consommateurs, des personnes investies dans les luttes pour la santé publique et des associations de victimes de l’amiante ont réagi.

Au Japon

Sugio Furuya, coordonnateur du réseau asiatique pour l’interdiction de l’amiante (ABAN), a déclaré : « Les Américains ne pourront plus acheter ce produit mortel. Malheureusement, certains consommateurs n’auront pas le choix, car la poudre pour bébé à base de fécule de maïs de J&J ne sera pas vendue dans leur pays.

L’utilisation de la poudre pour bébé à base de talc contaminé par l’amiante continuera à mettre en danger la santé des citoyens »

Le réseau ABAN dénonce « le double standard mortel de ce groupe censé promouvoir la santé »

Il demande à J&J « d’interrompre la vente de produits à base de talc non seulement en Amérique de Nord mais encore dans toutes les autres parties du monde, y compris le Japon. »

En Inde

Mohit Gupta, membre d’une organisation de défense de la santé au travail et dans l’environnement en Inde, explique que la poudre J&J à base de talc est « très populaire » dans ce pays où « elle occupe une position dominante sur le marché très lucratif des produits pour bébés. » 

Il juge honteux que J&J « poursuive ses ventes en Inde comme si la vie des Indiens importait peu » en profitant  des carences de la réglementation, du faible nombre de produits testéset de la faible sensibilisation des consommateurs.

Aux Philippines

Des syndicats et des associations ont écrit à J&J : « Nous exhortons votre entreprise à cesser immédiatement la vente de poudre pour bébé Johnson à base de talc aux Philippines et ailleurs. »

Au Brésil

Fernanda Giannasi, fondatrice de l’Abrea, l’association des victimes de l’amiante brésiliennes, dénonce l’hypocrisie de « ce colosse des « soins de santé » qui continuera à vendre au Brésil sa poudre pour bébé toxique  qui a causé

de l’ovaire et des mésothéliomes. »  Elle dénonce une « stratégie marketing amorale et inadmissible »

En Italie

Trois associations (l’Afeva, Medicina Democratica et l’AIEA) ont écrit au docteur Roberto Speranza, ministre italien de la Santé. 

Elles considèrent que « les personnes qui utilisent du talc ou des produits en contenant, à la maison ou au travail, ont le droit d’être informées de leur origine et de leur composition et doivent être protégées de l’exposition à l’amiante »

Elles demandent « la mise en oeuvre, dans toute l’Italie et l’Europe, des mesures de précaution, déjà recommandées par des chercheurs de l’Institut supérieur de la santé italien en 1984 et confirmées par une étude française de l’Anses en 2012 ».

Elles demandent que des contrôles systématiques par microscopie électronique à transmission (MET) soient réalisés pour les produits contenant du talc avant leur mise en vente sur le marché italien. Elles réclament aussi des mesures d’empoussièrement par des fibres d’amiante dans l’air dans tous les lieux de travail où du talc est manipulé.

En Belgique

L’Abeva, l’association qui défend les victimes de l’amiante en Belgique, a elle aussi alerté la ministre de la Santé, Maggie de Block, sur la présence d’amiante dans le talc. Elle demande « un renforcement des contrôles en Belgique et en Europe », en utilisant la microscopie électronique à transmission.

En Malaisie

L’association des con-sommateurs du Penang a exhorté le 22 mai dernier le ministre de la Santé de Malaisie à « interdire le talc en poudre et les produits à base de talc ».

Elle demande au ministre de « recommander aux mères d’utiliser des crèmes pour soigner des éruptions cutanées des nourissons. »

Au Vietnam

Le ministère de la Santé a diligenté des tests. Il a écrit à J&J pour demander des explications sur l’arrêt des ventes de talc aux États-Unis et au Canada.

Au Rwanda

Charles Karangwa, du Rwanda Food and Drugs Authority (RFDA) a déclaré  :  « La FDA rwandaise est consciente qu’un lot de poudre à base de talc pour bébés Johnson & Johnson aurait été contaminé par un agent organique du cancer ».  Il a dit qu’une enquête était en cours.

Les états doivent prendre leurs responsabilités

« Les êtres humains sont mis en danger de mort en étant exposés à de la poudre pour bébé contaminée par l’amiante tout comme ils le sont par l’exposition aux matériaux de construction contenant de l’amiante », a déclaré Laurie Kazan-Allen.  Si J&J ne se décide pas à stopper les ventes
de poudre pour bébé à base de talc, ce sont les gouvernements nationaux ainsi que les autorités régionales et intergouvernementales les organisations qui doivent agir unilatéralement pour éviter de nouveaux décès »

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D’AUTRES sociétés aussi...

Des actions judiciaires ont été menées contre la Bausch Health Company par des personnes qui avaient utilisé la poudre « Shower to Shower » et qui étaient atteintes d’un mésothéliome. Dans ce produit le talc est maintenant remplacé par de l’amidon de maïs non dangereux. Colgate a aussi été poursuivi par des victimes de mésothéliome incriminant le «Cashmere Bouquet Talc Powder», produit ancien de la marque. Des poursuites  ont aussi été engagées contre d’autres sociétés  ayant fabriqué des cosmétiques contenant du talc : Estee Lauder, CotyValeant, Kolmar, Avon, Claire’s et Elizabeth Arden. Les cosmétiques en cause comprenaient du fard à paupières et de la poudre compacte.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°63 (juin 2020)