Le BRGM (Bureau d’études géologiques et minières), le
Laboratoire des particules inhalées (LEPI) et l’Institut National de la Santé et de la Recherche médicale (INSERM) ont été saisis par le gouvernement de Nouvelle Calédonie pour
évaluer le risque sanitaire dû à la présence de terrains
amiantifères sur l’île.

Il y a seize ans, une étude de l’INSERM sur les cancers respiratoires et l’industrie du nickel repérait en 1991 une incidence élevée de mésothéliomes. En 1993, une autre étude alertait sur les dangers du pö, un enduit à base d’amiante utilisé dans certaines maisons mélanésiennes.
Une campagne de destruction-reconstruction de ces maisons eu lieu en 2004.

Trois ans après, les conclusions de la mission amiante, qui s’est déroulée du 23 avril au 4 mai 2007, sont claires : « La pratique consistant à recouvrir les murs de maisons en torchis avec des enduits à base d’amiante était une source majeure d’exposition, maintenant éliminée. ; il existe cependant d’aut-res sources potentielles d’exposition, liées essentiellement aux activités humaines ». Le risque amiante est toujours présent sur l’île, où des roches amiantifères affleurent sur une grande partie du territoire : « Des lieux de vie se trouvent directement sur des zones mises à nu de terrains amiantifères ».
Avec des expositions variées : « travaux dans les jardins, les cours, les zones communes, creusement des sols, déplacement de terres, circulation sur des voies non revêtues, aires de jeux ; pollution transportée dans les habitations... »
Elles peuvent amener « des concentrations élevées en fibres d’amiante, de l’ordre de plusieurs dizaines de fibres par litre d’air ou plus ».
D’où « des excès de risques de cancer largement supérieurs aux valeurs habituellement considérées comme « acceptables ». Il est donc nécessaire de prendre immédiatement des mesures visant à la protection de la population générale et des travailleurs ».
Le rapport avance donc des recommandations sur l’information, la connaissance du risque, la prévention, la surveillance médicale, le suivi épidémiologique.

La population et les travailleurs méconnaissent le risque amiante. « Entre 1997 et 2000 environ 100 constructions ont été détruites par la population sans précaution. » Il faut informer « les populations exposées pour limiter les pratiques à risques ».
Le rapport propose « d’identifier de façon précise et exhaustive les zones amiantifères », en dressant une cartographie complète, comme cela a été fait en Corse.
Il prône des mesures de prévention pour les zones d’habitation sur des terrains amiantifères, les voies de circulation, les chantiers du bâtiment et les mines.
Il préconise le « recouvrement ou la revégétalisation des terrains amiantifères à nu » avec une « priorité au voisinage immédiat des habitations, des zones de jeux, des chemins fréquentés ».
Les pics de pollution dus au passage de véhicules sur des voies de circulation revêtues de roches amiantées sont connus. Le rapport préconise « l’abandon des roches serpentiniques pour l’empierrement des routes » et le « recouvrement des tronçons amiantifères ».
Il rappelle les consignes à respecter sur les chantiers du BTP : « humidification des sols avant travaux, nettoyages par aspiration ou en voie humide, regroupement des déchets de déblaiement ... ».
Il évoque également les risques lors de grands travaux d’aménagements tels que ceux du Col de l’Antenne et du col d’Amos et la nécessité d’une localisation préalable des zones amiantifères, afin de définir des mesures de prévention.
Enfin — pour la première fois dans une étude officielle ! — le rapport évoque le risque d’une pollution amiante résultant de l’activité des mines de nickel : « L’impact des exploitations minières sur la qualité de l’air pour les populations environnantes devrait faire l’objet d’une expertise indépendante pour éclaircir les avis contradictoires qui laissent subsister une incertitude sur une origine minière de cas de maladies imputables à l’amiante ».

Les termes utilisés sont prudents, voire diplomatiques, mais l’omerta sur l’industrie du nickel est enfin rompue. La mission demande même que cette expertise ait un caractère contradictoire, en impliquant les associations : « Cette expertise suppose l’adhésion et la collaboration des associations avec les exploitants miniers et les autorités administratives en vue d’une transparence totale de la démarche et des résultats ».
Le rapport réclame la mise en place d’un « système de surveillance épidémiologique des effets de l’exposition environnementale à l’amiante sur la population de la Nouvelle-Calédonie » .
Elle propose aussi que le groupe de travail amiante créé en 2006 devienne une « structure officielle et plus stable avec un dégagement de moyens en rapport sur les priorités définies ». Le gouvernement se donnera-t-il les moyens de faire aujourd’hui ce qu’il n’a pas fait hier ? Telle est effectivement la question. La mission amiante estime elle-même qu’on « peut s’interroger sur les raisons qui ont amené à ce que des mesures recommandées il y a 13 ans n’aient pas été prises ou prises seulement de façon très tardive. »
En fait, l’absence de moyens n’était que le reflet d’une méconnaissance du problème et d’une absence de volonté politique de le traiter.
L’Adeva NC utilisera les points d’appuis qu’offre ce rapport pour faire avancer une prise en charge conséquente du risque amiante par les autorités.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°24 (septembre 2007)