Un décret du 13 mars 1993 a ouvert le droit à un suivi médical post-professionnel pour toutes les personnes qui ont été exposées à des produits cancérogènes au cours de leur vie professionnelle. Un arrêté d’application aurait dû suivre. On l’a attendu pendant deux ans...

Cet arrêté prévoyait des radios pour repérer les maladies dues à l’amiante. En janvier 1999, une conférence de consensus proposa d’inclure le scanner, plus sensible et plus spécifique, dans le protocole de suivi médical amiante. Les pouvoirs publics auraient dû en prendre acte. Ils ont préféré commencer par « tester » le scanner dans trois « régions pilotes » (Normandie, Aquitaine, Rhône Alpes)... Ce programme limité à trois régions aurait dû démarrer en 2000. Il a pris du retard et n’a commencé qu’en 2003...

Les résultats publiés en 2005 ont confirmé la supériorité du scanner sur la radio : le conseil scientifique avait validé le scanner comme examen de référence. La Caisse nationale d’assurance maladie et la Direction générale du travail étaient favorables à l’extension nationale du scanner. L’Office de protection contre les rayonnement ionisants (OPRI) avait confirmé que l’exposition aux rayonnements ionisants restait dans des limites acceptables. On aurait dû alors généraliser le scanner comme examen de référence pour le suivi médical amiante. Mais, en 2007, le Ministère de la Santé a saisi la Haute Autorité de Santé (H.A.S.), lui demandant de se prononcer sur le « rapport coût-bénéfice » d’un suivi médical par scanner…

La Haute Autorité de Santé a donc repris l’an dernier le dossier à zéro, saisissant à son tour les sociétés savantes en radiologie et pneumologie et auditionnant des spécialistes déjà cent fois auditionnés sur les mêmes questions. On attend toujours les résultats de ce travail, momentanément suspendu pour répondre à d’autres urgences ministérielles.

Le bilan est accablant.

15 ans après le décret 1993, moins d’une personne concernée sur mille bénéficie d’un suivi médical post-professionnel ! Celles qui ont été exposées à des cancérogènes se chiffrent par millions. Seules quelques milliers d’entre elles ont passé des examens de suivi.

9 ans après la conférence de consensus, le gouvernement s’interroge encore sur le « rapport coût-bénéfices » d’un suivi médical amiante par scanner ! On croit rêver…

Les résultats de ce sabotage sont clairs : beaucoup de personnes qui ont des plaques pleurales ignorent qu’elles sont malades, alors qu’elles devraient bénéficier d’un suivi médical gratuit et d’une indemnisation. D’autres, à l’inverse, passent des scanners trop fréquents et trop irradiants, sur les conseils de radiologues intéressés et incompétents.
A qui profite cette course de lenteur ? Aux employeurs responsables de la contamination. Aussi longtemps que des pathologies restent invisibles, elles sont non indemnisables. L’invisibilité est un bon moyen de faire des économies...


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°26 (mai 2008)