« La situation actuelle est profondément injuste »

La Direction des chantiers navals de Cherbourg (DCN), a employé plus de 5 000 salariés : ouvriers d’État, fonctionnaires et sous-traitants. En 2001 un décret a ouvert le droit à la cessation anticipée d’activité pour les ouvriers d’Etat qui y ont travaillé de 1945 à 2005 ainsi qu’en 2006 pour les fonctionnaires. Mais les sous-traitants de la DCN n’en bénéficient pas.

« C’est une profonde injustice, explique Christian Rival, salarié de la DCN et adhérent de l’Adeva Cherbourg. Non seulement ces salariés subissent la précarisation de leur emploi, en enchaînant les contrats successifs, mais ils n’ont pas les mêmes droits que des ouvriers d’État qui font le même travail.
Les ex-mécaniciens de l’entreprise PMO par exemple qui ont travaillé de 1975 à 1984 dans l’établissement n’ont pas droit à la cessation anticipée d’activité comme les mécaniciens de la DCN. Ils ont pourtant eu la même fonction, le même métier, travaillé sur le même établi, se sont changés dans les mêmes vestiaires…
 
Ils ont respiré les mêmes fibres qu’eux, en travaillant à leurs côtés dans des ateliers pourris d’amiante, où l’on fabriquait des sous-marins. Ils étaient même souvent en « matelotage », (en binôme) avec un ouvrier d’État.
Leur exposition à l’amiante est la même. Seul leur statut diffère. Qui peut admettre que les uns partent et les autres pas ?
La DCN dépendait du Ministère de la Défense. Elle était à la fois le pollueur et le donneur d’ordre. C’est la notion de site pollué et pas seulement celle d’établissement qui doit être prise en compte. La seule chose importante, c’est l’exposition à l’amiante. Il n’y a aucune raison de faire des discriminations parce qu’il y a une différence de statut.
Certains ouvriers de sociétés sous-traitantes comme les PMO et ATEC ont été intégrés au sein du ministère de la Défense où ils continuent d’occuper la même fonction . Ils bénéficient de la cessation anticipée pour les années travaillées en tant qu’ouvriers d’État, mais les années où ils étaient sous-traitants de la DCN ne sont pas prises en compte ! C’est une absurdité et une injustice.

 


L’AVIS D’ANDRÉ LETOUZÉ
« Une gestion qui conduit à des aberrations »

« C’est le ministère qui gère aujourd’hui directement l’inscription des établissements sur les listes », explique André Letouzé, représentant de l’Andeva au conseil de surveillance du Fonds.
« A l’origine, une seule personne était affectée à ce travail. Elle est partie. Il a fallu attendre deux ans pour qu’elle soit remplacée ! Cette pénurie a conduit à de véritables aberrations : dans certaines sociétés, le siège social a été inscrit, alors que des usines de production ont été exclues !
Des usines de fabrication d’articles à base d’amiante sont refusées.
Le ministère est soumis à des pressions politiques du gouvernement qui veut freiner les inscriptions et des employeurs qui veulent utiliser l’Acaata pour s’offrir des plans sociaux bon marché. Résultat : les batailles juridiques se multiplient.
Il faudrait que ce travail soit confié à un organisme public indépendant
. »

 


« L’Acaata nous coûte trop cher »
RÉPONSES À DEUX ARGUMENTS DE MAUVAISE FOI

« L’Acaata compromet l’équilibre de la branche accidents du travail-maladies professionnelles »

FAUX ! Le nombre d’accidents du travail baisse depuis des années ; le taux de cotisation des entreprises aussi. Il est passé de 4% à 2% en vingt ans. Et l’augmentation récente du nombre de maladies professionnelles ne s’est traduite par une hausse des cotisations qu’en 2006 et de seulement 0,1 point. On est loin du sombre tableau dépeint par les employeurs.
«  L’augmentation inexorable du nombre de bénéficiaires met en péril les finances publiques »
FAUX ! Si durant les premières années de mise en place du système, le coût a augmenté rapidement, c’est parce que les nouveaux entrants s’ajoutaient à ceux qui étaient déjà dans le dispositif. Mais l’évolution à long terme est inverse : « On constate une décrue du nombre d’allocataires admis chaque année. Il est passé de 7700 en 2003 à 819 en 2007. Le nombre de nouvelles demandes s’est considérablement réduit », constate à juste titre Jean Le Garrec. La durée moyenne de l’allocation tend, elle aussi, à diminuer.
Le nombre d’accès à l’Acaata par la maladie continuera d’augmenter, mais cette voie minoritaire n’influe pas sur la tendance générale.
A périmètre constant, « on peut estimer qu’approximativement 60% des allocataires seront sortis du dispositif vers 2014 », conclut le rapport de Jean Le Garrec.

 


DEUX TÉMOIGNAGES :

« Ils me proposent 166 € d’allocation par mois »

«  La CRAM m’a d’abord notifié le montant de mon allocation : 1598,48 euros payables au 1er mars 2008. Quatre jours avant cette date un coup de téléphone m’annonce qu’il y a erreur : l’allocation est ramenée à 166,56 euros ! »

Gérard a été magasinier chez Pro-Kennex en 2001. Licencié économique, ne voulant pas rester inactif, il avait accepté en 2007 un emploi de « distributeur de prospectus », un jour par semaine. C’est cet emploi à temps très très partiel que la CRAM d’Île-de-France a pris comme base pour le calcul de l’allocation !

« Votre décision m’a fait beaucoup de mal, écrit-il dans une lettre à la commission de recours amiable de la CRAMIF, car j’ai le sentiment que toute ma vie de travail depuis l’âge de 14 ans n’a servi à rien. Vous me faites l’aumône !!! »


« Ils me donnent un tiers de mon dernier salaire »

« J’ai travaillé dans le privé, de 1972 à 1979, comme projeteur d’amiante, explique Jean-Bernard. On travaillait dans des nuages de poussières. Beaucoup de mes collègues sont aujourd’hui décédés. Après mon licenciement économique, j’ai retrouvé du travail dans la fonction publique hospitalière, où j’ai connu une évolution de carrière.
Pour bénéficier de l’Acaata, je dois abandonner le régime de la fonction publique et les droits qui y sont attachés. Mon allocation sera uniquement calculée sur le salaire que j’avais dans le privé.
La perte est énorme : dans la fonction publique hospitalière, mon dernier salaire brut était de 3 337 euros. Or l’allocation brute qu’ils me proposent est calculée sur les derniers salaires du privé réactualisés.
Elle atteint seulement 38% de mon dernier salaire actuel
 ! »


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°26 (mai 2008)