Mamadou est malien et père de famille. « Je suis arrivé le 29 avril 2000 en France, en avion ». Ses phrases sont brèves, le regard se pose ailleurs. On n’a pas l’habitude de parler de soi lorsque l’on est dans la clandestinité depuis des années.
« Au Mali, il n’y a pas de travail. On trouve des petits boulots de temps en temps, mais ca ne suffit pas à nourrir la famille. Alors il faut partir en France. A mon arrivée, j’ai trouvé dans le bâtiment en moins d’une semaine. Je suis rentré chez Griallet en 2007. Mon frère y travaillait depuis 2000 ».
Son frère et lui collectionnent les travaux les plus rudes : découpage de ferraille au chalumeau, sans masque et même sans lunettes, application de peinture antirouille aux vapeurs de plomb toxiques, chantiers sur des tours amiantées...
« On démolissait à la masse. On a mangé de la poussière pendant plus d’un mois, du premier au dix huitième étage »...
Le salaire tourne autour du SMIC. Pas de taux horaire fixe. Personne n’est payé de la même manière. Personne ne sait combien il touchera demain.
Les heures sup ne sont pas payées. Les fiches de paie sont rédigées à une fausse adresse « Je l’ai dit à Griallet, mais il n’a jamais voulu changer... Vous savez, quand on a pas de papiers, on est bien obligé d’être d’accord… ».
Certains ont le mal du pays et pensent à y retourner. « J’aimerais bien revoir ma femme, mes enfants, et ma famille. Ça me manque trop. Je leur ai tout expliqué. Cela vaut mieux. Souvent lorsqu’on est obligé de rentrer au pays, la famille pense que c’est parce que on a fait quelque chose de mal ».
D’autres ne peuvent imaginer le retour au pays. Personne ne les attend. Ils sont partis depuis trop longtemps.
Cela fait 103 jours qu’ils occupent les locaux de leur entreprise. 103 jours sans paye. La mobilisation citoyenne leur permet de survivre.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°27 (octobre 2008)