Le tribunal des prud’hommes condamne la société Alsthrom Label Pack à
compenser la perte de revenu de 17 salariés en cessation anticipée d’activité amiante et à indemniser leur préjudice d’anxiété

 


Un jugement qui fera date

Le conseil des prud’hommes de Bergerac, a condamné la société Alsthrom, société spécialisée dans la fabrication de papiers, inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à la cessation anticipée d’activité.

Il a rappelé que « l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés, notamment pour tous les produits fabriqués et utilisés par lui ». Il aurait dû avoir conscience du danger et « prendre les mesures nécessaires afin d’éviter l’exposition des salariés à un risque de maladie ».
Or il a « délibérément voulu contourner la législation du 30 septembre 1990 », qui interdisait d’utiliser des rouleaux recouverts de feuilles d’amiante compressées, en important « 24 tonnes de papier amianté pour le regarnissage des rouleaux de calandre qui ont été utilisées au moins jusqu’en 1996 ». De plus « le désamiantage du site n’est toujours pas terminé ».

Les salariés avaient le choix entre quitter l’usine avec un revenu diminué ou continuer à y travailler au risque « de ne pouvoir profiter d’une retraite » pour cause de maladie. Le tribunal a considéré qu’il « s’agit plus là d’un choix par défaut que d’un choix réellement consenti » car c’est à cause de « la carence de l’employeur dans l’exécution de son obligation de sécurité » qu’il « se retrouve devant cette alternative. Dès lors, le choix de partir en préretraite crèe un préjudice au salarié qu’il convient de réparer. Ce préjudice doit s’analyser en une perte de chance » avec une perte financière et une diminution d’espérance de vie.

Les sommes obtenues pour les 17 anciens salariés s’échelonnent entre 9 000 et 85 000 euros.
Le conseil a accordé 10 000 euros au titre du préjudice d’anxiété, considérant qu’il « convient de réparer la souffrance endurée de la connaissance d’une apparition possible d’une pathologie liée à l’amiante ».
Il a également décidé l’exécution provisoire de sa décision, c’est-à-dire le versement de ces sommes, y compris dans le cas où la société Alsthrom ferait appel.

 


COMME UN COUP DE TONNERRE

Le jugement des prud’hommes de Bergerac a résonné comme un coup de tonnerre dans l’actualité sociale. Sa portée est considérable. La presse ne s’y est pas trompée, les employeurs non plus.
Pour la première fois en France, un tribunal impose à un employeur de compenser la perte de revenu occasionnée par la cessation anticipée d’activité amiante.
Les plaignants, avaient été exposés à l’amiante par la faute de l’employeur qui avait failli à ses obligations en matière de sécurité. Ils ont considéré qu’ils n’avaient pas à subir une double peine : vivre dans la crainte d’avoir un jour une maladie grave due à l’exposition à ce cancérogène et voir leur revenu diminuer, l’allocation de cessation anticipée d’activité ne couvrant que 65% du montant de leur dernier salaire brut. Le tribunal des Prud’hommes de Bergerac leur a donné raison.
Les salariés de ZF Masson, qui ont engagé les premiers cette bataille il y a quatre ans, attendent l’arrêt que rendra la Cour d’appel de Paris le 18 septembre. Nous nous n’en avons pas connaissance à l’heure où nous bouclons ce numéro du Bulletin de l’Andeva.



Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°27 (octobre 2008)