Aurons-nous un jour un procès pénal de l’amiante ? Nos empoisonneurs finiront-ils par être renvoyés devant un tribunal correctionnel ? Au
vu des informations dont nous disposons sur les difficultés des magistrats à mener à bien leurs investigations sur les dossiers « amiante », rien n’est moins sûr.

Non seulement, ils n’ont pas les moyens humains nécessaires à la conduite d’une instruction de qualité dans des délais raisonnables mais, en outre, il apparaît que les commissions rogatoires délivrées par les magistrats ne sont pas toujours exécutées. Ceci sème le doute sur la détermination réelle des pouvoirs publics à vouloir un jour un procès pénal de l’amiante.

Exiger justice pour les victimes de l’amiante sera donc le thème phare de notre manifestation de rentrée. Nous n’avons que trop attendu. Cela fait maintenant douze ans que les premières plaintes ont été déposées ! Derrière le manque de moyens, se cache souvent un manque de volonté politique. On ne comprendrait pas que la fermeté du gouvernement envers les délinquants s’arrête aux portes des entreprises. Qu’à l’intérieur des murs des industriels, on puisse s’affranchir des règles de protection de la santé et de la sécurité des salariés et empoisonner en toute impunité.

Dans la dynamique de la mobilisation des « veuves de Dunkerque », nous avions pris une résolution : manifester massivement chaque année dans les rues de Paris, tant que n’aurait pas lieu le procès de l’amiante.
Plus que jamais, Samedi 11 octobre, nous devons respecter cet engagement. Nous devons nous mobiliser pour que l’instruction menée courageusement depuis trois ans par les magistrats du pôle judiciaire de santé publique puisse déboucher rapidement sur un procès pénal.

La « manif » de rentrée de l’Andeva est aussi l’occasion de rappeler aux pouvoirs publics, aux médias et à l’opinion les autres dossiers chauds, sur lesquels les victimes attendent des réponses.

Parmi ceux-ci, il y a bien sûr le projet de réforme de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (Acaata). Cette compensation de la perte d’espérance de vie fut une avancée sociale, mais le système mis en place crée des injustices que l’Andeva a dénoncées : en restreignant l’accès du dispositif aux entreprises de quatre secteurs industriels (transformation d’amiante, flocage et calorifugeage, construction et réparation navale, dockers), on laissait sur le bord du chemin de nombreux salariés tout aussi exposés, comme ceux du bâtiment. De son coté, le gouvernement veut aussi réformer le dispositif, mais dans le seul but de réaliser des économies. La manifestation du 11 octobre est donc l’occasion de dire haut et fort que la préretraite amiante n’est pas un privilège mais un droit : ceux qui risquent de mourir plus tôt doivent cesser de travailler plus tôt.

Une autre préoccupation sur laquelle nous devons interpeller les pouvoirs publics est l’explosion des délais d’indemnisation du Fiva. Le Fonds n’indemnise plus les victimes dans les délais prévus par la loi. Même lorsqu’elles sont atteintes d’un cancer, les victimes doivent attendre parfois plus d’un an pour percevoir leur indemnisation. Cette situation inacceptable est due au manque de personnel du Fonds ainsi qu’à l’allongement souvent injustifié des procédures.

Enfin, la manifestation du 11 octobre sera aussi l’occasion de rappeler à l’opinion publique que la consommation d’amiante dans le monde n’a jamais été aussi forte. La propagande mensongère sur la prétendue moindre dangerosité de l’amiante chrysotile des pays exportateurs – et notamment du Canada (où l’Institut du Chrysotile vient d’assigner l’Andeva en justice pour diffamation) – porte malheureusement ses fruits. Les pays en voie de développement connaîtront bientôt les épidémies de cancers que nous connaissons aujourd’hui en France.

Oser prétendre en 2008 que l’amiante n’est pas dangereux, sacrifier la vie de dizaines de milliers de travailleurs des
pays émergents, simplement pour continuer d’engranger des profits financiers, cela ne relève-t-il pas d’un crime contre l’humanité ?
Samedi 11 octobre nous ne serons pas trop nombreux pour le dire…

François DESRIAUX
Président de l’Andeva


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°27 (septembre 2008)