L’Agence française de sécurité sanitaire pour le travail et l’environnement et le travail (AFSSET) a rendu public son rapport le 17 février.

Le ministère avait demandé à l’AFSSET une étude sur la toxicité des fibres courtes d’amiante (FCA) et des fibres fines d’amiante (FFA). Il avait aussi demandé une évaluation de la réglementation en vigueur (méthodes de mesure, valeurs limites d’exposition). Cette étude fut menée par un groupe de travail composé d’experts français, américains et canadiens.

Pourquoi cette expertise ?

Aujourd’hui seules sont prises en compte par la réglementation les fibres longues d’amiante, telles que les avait définies l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans les années 60 : une longueur supérieure ou égale à 5 microns, un diamètre compris entre 0,2 et 3 microns, un rapport longueur sur diamètre supérieur ou égal à 3 microns. Cette définition reflète les limites des outils de mesure de l’époque.

Des scientifiques se sont demandés si toutes les fibres d’amiante ne jouaient pas, à des degrés divers, un rôle dans l’apparition de cancers.
L’importance de cette question saute aux yeux, lorsqu’on considère la composition d’un nuage de poussières d’amiante sur un chantier du BTP par exemple : les fibres d’amiante (définition OMS) ne représentent que 2 à 6% du total. Les fibres courtes et les fibres fines de 94 à 98% !
Dans les couloirs à fort passage d’une école maternelle où le sol est couvert de plaques de dalami, on peut mesurer des taux d’empoussièrement inférieurs aux valeurs limites réglementaires, alors qu’il y a 630 fibres courtes d’amiante par litre !

Fibres courtes et fibres fines sont-elles cancérogènes ?

Les résultats de l’expertise peuvent se résumer ainsi :

- Le pouvoir cancérogène des fibres fines (diamètre inférieur à 0,2 microns) est confirmé.
- plus la fibre est longue, plus son pouvoir cancérogène est important.
- Le pouvoir cancérogène des fibres courtes (longueur inférieure à 5 microns) n’est pas démontré, mais il ne peut pas être exclu.
- Le pouvoir cancérogène d’une fibre ne peut être évalué simplement à partir de données physiques telles que sa longueur ou son diamètre. Doivent également être prises en compte des données chimiques telles que leur composition, leur réactivité de surface, et les inter-actions possibles avec d’autres produits comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).

Quelle méthode pour compter les fibres ?

La méthode réglementaire de mesure pour l’activité professionnelle est la microscopie électronique à contraste de phase (MOCP). C’est une méthode assez grossière qui compte toutes les fibres sans distinguer les fibres d’amiante des autres ; elle ne permet ni de voir les fibres fines ni d’identifier précisément la nature des fibres d’amiante.
En France, la valeur limite actuelle pour l’activité professionnelle (VLEP) est de 0,1 fibres par cm3 sur une heure en MOCP.
La Suisse, l’Allemagne et les Pays Bas ont une VLEP beaucoup plus basse (0,01 fibre par cm3 sur 8 heures).
Le rapport préconise d’abandonner la MOCP et de la remplacer par la microscopie électronique à transmission analytique (META), déjà utilisée pour les mesures en environnement intérieur. Il préconise aussi de prendre en compte les fibres fines (ce qui augmenterait de 25% le nombre de fibres comptées).
Ce double changement (méthode de mesure et nature des fibres comptées) imposera de redéfinir une nouvelle valeur limite, nettement inférieure à la valeur actuelle.

Quel est aujourd’hui le niveau du fond de pollution ?

Pour les mesures en environnement intérieur, la valeur limite d’exposition actuelle est de 5 fibres par litre (comptées en META). C’est elle qui définit le niveau résiduel autorisé à l’intérieur des bâtiments.
Cette valeur avait été fixée par référence au fond de pollution de l’air par les fibres d’amiante en région parisienne. L’idée de base était simple : après un désamiantage, la proportion de fibres d’amiante dans l’air intérieur des bâtiments ne doit pas dépasser celle qui existe à l’extérieur.
Or ces 5 fibres par litre correspondaient à des mesures faites en Ile-de-France… en 1974 ! Au début des années 90, ce fond de pollution avait déjà été divisé par 10 ; avant que l’amiante ne soit interdit en France ! Il a sans doute encore baissé depuis. Le rapport préconise donc d’abaisser fortement cette valeur limite et d’y inclure la mesure des fibres fines.

Faut-il mesurer les fibres courtes d’amiante ?

En environnement intérieur le rapport préconise deux séries de mesures et deux valeurs de gestion distinctes : une pour les fibres longues (fibres fines incluses), une pour les fibres courtes.
L’existence d’un pouvoir cancérogène des fibres courtes d’amiante ne pouvant être exclue, l’Afsset applique un principe de précaution : elle préconise de compter les fibres courtes et de fixer une valeur limite spécifique. S’agissant d’un cancérogène aussi redoutable que l’amiante, elle joue la prudence. En tout état de cause une forte densité de fibres courtes dans l’air est déjà le signe d’une dégradation significative du matériau contenant de l’amiante...
Cette démarche est exemplaire. On doit cependant regretter que le rapport n’ait pas recommandé le comptage des fibres courtes en milieu professionnel.

Les annonces des Ministères

Quatre ministères (Santé, Écologie, Travail, Logement) ont salué ce rapport dans un communiqué commun et annoncé des mesures :

- La méthode de mesure et la valeur limite d’exposition en milieu professionnel seront revues, avec une réévaluation des équipements de protection individuels.
- Le seuil de déclenchement des travaux en environnement intérieur sera abaissé, pour tenir compte de la réduction du fond de pollution.
- Une concertation aura lieu sur la dégradation des matériaux susceptibles d’émettre des fibres courtes et sur les mesures de gestion, notamment dans les établissements recevant du public.
- Un recensement exhaustif des zones amiantifères aura lieu sur tout le territoire national. Des mesures de gestion seront définies après le prochain rapport de l’Afsset sur le risque environnemental.

Le Programme National de Surveillance des Mésothéliomes (PNSM) sera renforcé, avec un protocole de déclaration obligatoire des mésothéliomes, qui devrait être opérationnel à partir de 2010.

Une importante avancée

L’Andeva estime que la mise en oeuvre des préconisations de l’Afsset « représenterait une avancée importante en matière de prévention ».
Elle souhaite que la remise à jour de la réglementation ait lieu rapidement. Elle demande à être consultée sur le nouveau dispositif réglementaire et les moyens de le faire appliquer.
Elle réclame « un effort particulier de formation et d’information pour aider ceux qui devront appliquer ces nouvelles dispositions ».
Au vu des dérives déjà constatées sur les chantiers de désamiantage, elle demande que « des moyens suffisants soient dégagés pour contrôler la mise en œuvre effective des mesures de prévention renforcées, ainsi que des sanctions dissuasives pour les contrevenants. »


Article paru dans le Bullletin de l’Andeva n°29 (avril 2009)