Depuis sa création en 1996, l’Ardeva Nord-Pas-de-Calais aide les victimes à obtenir une indemnisation. « C’est un travail essentiel, explique Pierre Pluta, son président, mais nous avons compris qu’il n’était pas suffisant. »

Les victimes, leurs familles, avaient besoin de parler et d’être écoutées. « Certains ne savaient pas comment parler de leur maladie à leur famille, d’autres avaient vu mourir un proche. Tous se posaient les mêmes questions : Que va-t-il m’arriver ? Combien de temps vais-je vivre ? Que va devenir ma famille ? Comment survivre au deuil ? Je n’étais pas préparé à affronter toute cette douleur. Je ne savais pas comment soulager les gens qui venaient se confier à moi, ou à nos bénévoles.
Comment parler avec quelqu’un qui est atteint d’un mésothéliome et qui nous demande si c’est grave ou s’il va pouvoir s’en sortir. Que répondre à quelqu’un qui nous dit, « je sais, au mieux, il me reste une année à vivre ». Comment rassurer un homme qui vous demande si des plaques pleurales risquent d’évoluer en cancer ?
 »

Il fallait épauler les veuves. Pendant des mois, des années, elles s’étaient occupées de leurs maris et avaient paré au plus pressé. D’un seul coup, elles se retrouvaient seules. Parfois jalousées par leur entourage des indemnités qu’elles touchaient. « Nous souhaitions les soutenir lorsqu’elles avaient envie de pleurer, les épauler, pour qu’elles continuent à aller de l’avant pour leurs enfants, pour leurs familles. Il a donc fallu former nos bénévoles et nos salariés à écouter. Pendant plusieurs années, nous avons fonctionné tout seuls. »

C’est l’époque des marches silencieuses. De décembre 2004 à janvier 2006, les « veuves de l’amiante » ont marché en silence, toutes les 3 semaines, autour du palais de justice. « Là, elles se sont rencontrées. Elles ont échangé sur leurs expériences, leurs histoires, elles ont lutté ensemble. Lorsque la majorité de nos revendications ont été prises en compte, nous avons arrêté ces marches. Toutes ont voulu continuer à se voir régulièrement. Nous avons mis nos locaux à leur disposition. »

Mais cela n’était pas suffisant, il leur fallait le soutien de professionnels. Pour que les victimes de l’amiante puissent transcender leurs difficultés. Pierre Pluta rencontre Philippe Martin, le directeur de la Maison de promotion de la santé de Dunkerque. Ensemble, ils organisent des réunions ouvertes, des groupes de paroles pour toutes les victimes de l’amiante.

« Aujourd’hui, cela fait trois ans. Vient qui veut, une fois ou régulièrement, pour parler ou pour écouter. On a déjà vu les résultats : Certaines veuves ont repris goût à la vie. Des familles entières se sont remises à communiquer. Ce groupe de paroles a été d’autant plus difficile à mettre en place que l’amiante est une « maladie de pauvres », ces gens n’ont pas l’habitude de parler, de se plaindre, de s’épancher. Mais, dans un contexte si difficile, où il y a si peu d’espoir, ce sont des avancées qui font chaud au cœur. Nous sommes pionniers dans ce domaine, mais j’espère que toutes les victimes de l’amiante bénéficieront de notre expérience. »

Léa Veinberg


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°29 (avril 2009)