Romana est présidente d’honneur de l’Association des Victimes de l’amiante de Casale Monferrato, en Italie.
Elle fut cruellement touchée par les décès de son mari, de sa sœur, de sa cousine et de sa fille, tous contaminés par l’amiante d’Eternit.
Elle est l’incarnation du formidable courage et de l’extraordinaire ténacité, dont ont su faire preuve ceux qui ont mené les trente années de combat, qui ont rendu possible le procès de Turin.
Interviewée lors du rassemblement qui a eu lieu le 10 décembre devant le Palais de Justice de Turin, elle répond ici aux questions de Carine Toutain.

 

Carine : Pouvez-vous expliquer quel est le sens de votre lutte ?

Romana : Ce que nous voulons, c’est la Justice. Il n’est pas juste de mourir à cause de son travail.
C’est une tragédie d’avoir vu mourir tant de personnes et pas seulement des ouvriers mais aussi des personnes exposées dans le cadre environnemental.
Il faut faire connaître la souffrance de toutes ces victimes. Cela ne doit plus jamais arriver.
Mon combat est encore plus fort depuis le décès de ma fille ; je veux la justice, je ne lâcherais jamais.

Carine : Que représente l’amiante pour vous ?

Romana : L’amiante représente une grande souffrance, tant de morts et de gens qui ont assisté leurs proches face à la maladie, sans pouvoir rien faire. En un mot, c’est une grande souffrance.

Carine : Aviez-vous l’espoir de voir ce procès débuter un jour ?

Romana : L’attente a été longue. Cela fait trente ans que je me bats. J’ai perdu cinq membres de ma famille, dont mon mari (il y a 28 ans), ma fille, une cousine. Seul mon mari avait travaillé dans l’amiante.
L’espoir de ce procès, je l’ai depuis toujours et je suis convaincue que ce procès va aller jusqu’au bout.
Je remercie toutes les associations, et notamment l’association française ANDEVA.
Je remercie toutes les personnes qui nous soutiennent.

Carine : Si vous aviez les accusés devant vous, que leur diriez - vous ?

Romana : Je n’accepte pas l’offre financière dégradante que les deux accusés ont proposée aux familles. La souffrance n’est pas réparée par l’argent.
Ils ont fait cela pour eux, pour se dédouaner et pour que la condamnation prononcée par le tribunal de Turin soit moins lourde.
Suite à cette proposition financière, les dommages-intérêts devraient être réduits des deux tiers par le tribunal.
Cette offre est pour eux, un investissement. Je la considère comme une saloperie et j’assume ce terme.
C’est une honte et une grande hypocrisie.
Je voudrais que la condamnation prononcée soit la suivante : suivre un malade qui a un mésothéliome du début à la fin de sa maladie, que les accusés connaissent le parcours d’un malade, toutes les douleurs et les souffrances endurées par les victimes ainsi que par leur entourage.
Je n’ai pas de rancoeur envers les accusés, mais il est juste qu’ils répondent de leurs actes devant la justice.
Ils ont une dette envers la société. Ils n’avaient pas le droit de faire ce qu’ils ont fait.


Article paru dans le BUlletin de l’Andeva n°31 (décembre 2009)