Les femmes qui avaient pris ce médicament pendant leur grossesse, ont vu leur vie basculer : à l’espoir d’une maternité heureuse ont succédé l’anxiété et la souffrance.
Des industriels ont prolongé l’utilisation d’un médicament qu’ils
savaient dangereux. Les pouvoirs publics ont laissé faire…
La recherche du profit a prévalu sur la protection de la santé.
Comme les victimes de l’amiante, les filles du Distilbène ont engagé un long et difficile combat pour que justice leur soit rendue. Face à l’arrogance et au cynisme des groupes pharmaceutiques, elles viennent de remporter une victoire devant la cour de cassation, qui a décidé d’inverser la charge de la preuve.
Elles apportent ici leurs témoignages.


Stéphanie CHEVALLIER
35 ans
présidente de l’association « les Filles du DES »

Adolescente, je n’avais pas de règles ; j’avais de violentes douleurs au ventre, c’est au cours d’examens à cette époque que j’ai découvert que j’avais une malformation de l’utérus. C’est plus tard que j’ai fait le lien entre cette malformation et la prise de distilbène par ma mère pendant sa grossesse. Je n’ai pas pu avoir d’enfant, et j’ai adopté.
L’association « filles du DES » nous a permis de partager ce que nous vivons, autour de la maladie ou des difficultés que nous rencontrons pour avoir des enfants.
Si j’ai décidé d’aller en justice, c’est pour que la faute des laboratoires pharmaceutiques, soit reconnue en cas de cancer, mais aussi pour les malformations.
Dans cette lutte juridique, ce qui est important ce n’est pas seulement l’indemnisation – comment chiffrer les traumatismes et les séquelles ? – c’est que nous soyons reconnues en tant que victimes et que cette histoire serve d’exemple.


MARYLINE
43 ans
assistante dans un centre de formation, correspondante d’un quotidien régional et membre du réseau DES France

Je suis née fin 1966, et je me suis mariée en 1993. À cause du Distilbène, mon utérus était abimé. J’ai fait cinq fausses couches, jusqu’à ce que je parvienne enfin à tomber enceinte de ma petite fille. La grossesse a été très difficile, je suis restée allongée plusieurs mois, ce qui est typique des « filles Distilbène » et je n’ai pas pu avoir d’autres enfants.
Toutes ces épreuves, sont très difficiles à vivre, parfois les couples ont des enfants prématurés, d’autres ne parviennent pas à en avoir.
Certains couples ne résistent pas à ces douloureuses expériences, de nombreuses vies sont bousculées.
Il m’a fallu 10 ans pour que je trouve la force d’attaquer au pénal l’un des deux laboratoires qui fabriquaient le Distilbène.
J’aurais accepté que mon handicap provienne d’une erreur médicale. Personne n’est à l’abri d’une erreur professionnelle, mais dans le cas du Distilbène, il s’agit uniquement d’une question d’argent. Ce médicament avait été interdit aux États-Unis en 1971, il a été prescrit en France jusqu’en 1977 !
Se lancer dans une procédure judicaire est quelque chose de très difficile. La partie adverse cherche toutes les failles médicales et juridiques pour éviter de reconnaître sa responsabilité. Si nous nous sommes, avec mon mari, lancés dans cette procédure judiciaire, ce n’est pas pour les indemnisations qui sont souvent dérisoires, mais pour que notre souffrance soit reconnue et que notre histoire serve de leçon.


HÉLÈNE
51 ans
chirurgien dentiste, membre du Réseau DES France

Ma mère me disait toujours qu’elle avait eu du mal à m’avoir et qu’elle avait dû prendre des hormones pendant qu’elle était enceinte. C’est en lisant un article sur le Distibène que j’ai eu l’idée de la questionner.
Lorsque je suis tombée enceinte, j’ai été suivie comme grossesse à risque dans un hôpital parisien, J’ai arrêté de travailler mais j’ai accouché prématurément, à moins de 6 mois de grossesse. Mon fils a eu de grave séquelles, il est infirme moteur cérébral et tétraplégique. J’ai décidé d’avoir un deuxième enfant et j’ai eu une petite fille en bonne santé.
En 2002, j’ai vu une émission, sur le principe de précaution, j’ai appris que certaines femmes s’étaient lancées dans des procédures. C’est à ce moment là que j’ai adhéré au Réseau DES France.
La procédure judicaire est extrêmement longue et difficile. Il est très douloureux de devoir se remémorer toutes les étapes par lesquelles ont est passé lorsque l’on constitue le dossier pénal.
Cette année enfin, le laboratoire a été condamné à indemniser mon fils, et nous aussi. Le laboratoire a fait appel et nous attendons la décision de justice, mais nous avons bon espoir. Ces laboratoires pharmaceutiques n’éprouvent aucune compassion et n’ont qu’une obsession, faire traîner les choses.
Si j’ai voulu aller au pénal, c’est pour obtenir la reconnaissance du statut de victime de mon fils et pour pouvoir assurer son avenir. L’arrêt rendu le 24 septembre par la cour de cassation constitue une avancée juridique indéniable. C’est capital pour la grande majorité des femmes qui n’ont pas pu récupérer leur dossier médical.
 

Propos recueillis par Léa Veinberg


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°31 (décembre 2009)