ROSALBA (Dunkerque)
« On m’a volé mon histoire d’amour. »

Mon mari, Jean est mort à 61 ans. Il a travaillé pendant 42 ans comme électricien avant de devenir chef d’atelier. Il m’avait demandé de continuer le combat après sa mort. C’est en son nom que je manifeste aux côtés de l’Andeva. J’ai accompagné les veuves de Dunkerque lorsqu’elles sont allées soutenir les veuves de Turin et comme je parle italien, j’ai été leur interprète.
L’indemnisation ne suffit pas. Pour pouvoir se reconstruire, il faut que les responsables de cette catastrophe soient jugés. On m’a volé ma deuxième vie. C’est impardonnable. Mon mari et moi avons travaillé pendant des années, et nous n’avons pas pu profiter de notre retraite ensemble. Nous ne sommes jamais partis en vacances. Aujourd’hui, le soir, je suis seule...


CHRISTIAN
« J’ai travaillé l’amiante à mains nues »

Il faut que les responsables soient jugés au pénal. J’ai travaillé l’amiante à mains nues. Je me bats pour que soit reconnue la faute inexcusable de mon employeur. Jamais on ne nous a dit ce que nous risquions à manipuler de l’amiante. Pourtant les dirigeants de mon entreprise ne pouvaient l’ignorer.


GÉRARD (Finistère)
« Faire un grand procès, comme les Italiens »

J’ai travaillé 35 ans dans la réparation navale. J’ai des plaques pleurales et je souffre d’asbestose. Je suis à l’Adeva depuis 5 ans.
Si je manifeste aujourd’hui, c’est pour rappeler que nous travaillons pour vivre et pas pour mourir. Pourquoi les travailleurs devraient-ils être pénalisés par la maladie, pendant que les décideurs font des profits ? La justice doit être rendue. Il faut faire payer l’immoralité de certains patrons. Les Italiens y sont parvenus. Nous aussi, nous devrions être capables d’organiser un grand procès de l’amiante.


JEAN-CLAUDE (Condé-sur-Noireau)
« Nous attendons que justice soit faite. »

J’ai travaillé 35 ans à l’usine Ferodo-Valeo, toujours en contact avec l’amiante. On ne m’a jamais prévenu de sa nocivité.
En 1995, avec des collègues, nous avons créé l’ALDEVA. Nous avons été une vingtaine à porter plainte au pénal.
Pendant des années les dossiers ont été gelés. Aujourd’hui, on a un petit espoir que les plaintes au pénal aboutissent avec la création du pôle de santé publique, mais j’ai un peu peur que le procès de l’amiante ne se termine par un non lieu, comme celui du sang contaminé.
Il faut pourtant que les gens qui nous ont caché la vérité soient jugés. C’est pour cela que nous continuons à nous battre tous ensemble.


MARCEL ET JEAN (Thiant)
« Nous nous battrons tout le reste de notre vie. »

Nous avons perdu un frère, un oncle, des cousins, beaucoup d’amis et de collègues à cause de l’amiante. En 1999, nous avons déposé une plainte au pénal. Aujourd’hui, nous voulons que les responsables soient jugés.
Nous avons travaillé, pendant des années au contact de l’amiante.
On nous a toujours dit qu’il n’y avait aucun danger. C’est seulement dans les dernières années qu’on nous a distribué quelques blouses et quelques masques, qui d’ailleurs ne nous protégeaient de rien du tout.
Quand notre frère est tombé malade il y a eu des pressions de la direction pour empêcher la déclaration en maladie professionnelle. On a même osé nous dire : « Vous ne faites ça que pour l’argent ! ». Mon frère était le premier agent de maîtrise à porter plainte. Nous nous battrons tout le reste de notre vie pour que justice soit faite !


GASTON (Le Havre)
« Nous étions 50. Nous sommes 2000 »

J’ai travaillé dans la réparation navale pour plusieurs entreprises. C’est seulement en 1996 que j’ai appris la dangerosité de l’amiante.
Avec trois collègues nous avons constitué une association de victimes. Au début nous étions 50, aujourd’hui, nous sommes 2000 et nous traitons 4600 dossiers.
En Seine Maritime, il n’est pas toujours facile d’attaquer les entreprises pour faute inexcusable. Beaucoup d’entre elles ont fermé ou n’existent plus. Les adhérents vont souvent au Fiva. Mais nous attendons que la justice soit rendue. Cela fait plus de 10 ans que nous manifestons tous les ans. Au fil des ans les choses ne s’améliorent pas vraiment !


JOËLLE, CHRISTINE, CHRISTIAN, JOSIANE, PHILIPPE (Paris)
« Nous sommes là en mémoire de nos parents »

Notre père était docker au port de Gennevilliers. Il est mort en 2004 d’un mésothéliome. Lorsqu’il rentrait à la maison, ses vêtements étaient couverts d’amiante. C’est notre mère qui s’occupait du linge. C’est de cette façon qu’elle a contracté, elle aussi, une maladie de l’amiante.
Depuis que l’Addeva 93 nous a aidés à remplir tous les dossiers nécessaires à notre indemnisation, nous venons à la manifestation tous les ans. Le combat est loin d’être terminé.

(Propos recueillis par Léa Veinberg)


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°31 (décembre 2009)