«  La suppression du juge d’instruction et le maintien du statut actuel du
parquet ne sont pas négociables.
 
 »

Telles furent les premières paroles de Monsieur François Molins, Directeur de cabinet de la Garde des Sceaux, recevant une délégation de l’Andeva le vendredi 19 mars dans le cadre de la « grande concertation » sur la réforme de la procédure pénale annoncée par le gouvernement

Un projet de loi de 225 pages modifiant des centaines d’articles du code de procédure pénale avec comme seule motivation .... d’enrober la suppression du juge d’instruction. Une « grande concertation » qui écarte de la discussion l’objet même du projet de loi. Jusqu’où le gouvernement est-il prêt à aller pour appliquer la volonté présidentielle de mettre la justice aux ordres ?

Du conseil constitutionnel aux institutions européennes, des signaux s’allument de toutes parts pour dire que ce projet de réforme ne respecte pas l’état de droit. Du monde judiciaire à la société civile des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour le dénoncer. Dans la majorité parlementaire elle-même les fissures se multiplient.

Jusqu’au cabinet de la ministre, le malaise est de plus en plus évident. Nous en avons fait nous-mêmes l’expérience lors de notre rencontre du 19 mars en posant avec insistance la seule question qui se pose : pourquoi voulez vous que le magistrat en charge de l’enquête soit dépendant du gouvernement ? Dites-nous en quoi le fait que le magistrat soit dépendant du gouvernement va améliorer l’enquête et le service rendu au justiciable ? Pour toute réponse à cette question simple, nous avons eu un grand silence et des regards embarrassés, jusqu’à ce que l’un de nos interlocuteurs se décide courageusement à parler d’autre chose.

Le problème pour le gouvernement est que tout le monde maintenant connaît la réponse : l’unique motivation de cette réforme est de permettre au pouvoir exécutif de contrôler l’instruction des affaires, afin d’étouffer celles qui le gênent ou d’instrumentaliser celles qui l’arrangent.

Le président de la République sera-t-il contraint finalement de renoncer à cette réforme indéfendable ? Il y a de bonnes raisons de le penser, mais rien ne permet à ce jour de l’affirmer et le meilleur moyen d’y parvenir est d’amplifier la mobilisation.

Le rôle des victimes de l’amiante dans cette mobilisation est essentiel. Notre travail commun avec les magistrats a constitué une grande première qui n’est pas passée inaperçue dans le monde politique. Avec eux nous nous proposons de franchir un palier supplémentaire en regroupant dans un collectif tous les acteurs de la société civile qui s’opposent à ce projet de réforme qui, s’il se concrétisait, resterait dans l’histoire de notre pays comme une régression de l’état de droit sans précédent.

Vincennes, le 31 mars

Michel PARIGOT
Alain GUERIF


Article paru dans le bulletin de l’andeva n°32 (mars 2010)