Devant les grilles d’Eternit, Romana Blasotti Pavesi lit un poème poignant, écrit pour le 8 mars par Daniela Di Giovanni, cancérologue, qui a suivi des centaines de victimes à Casale. Elle rêve à la colline du souvenir, qui naîtra un jour sur les vestiges de l’usine maudite.

La colline des femmes

Ici surgira près du fleuve
Une colline toute neuve
Où les enfants viendront jouer
Et les anciens se souvenir.

Ici surgira une nouvelle colline
Et sur cette colline une pierre
Froide, comme toutes les pierres.
On y lira des mots de souvenir et de douleur
Pas de noms.
Il y en a trop…
une colline entière ne suffirait pas.

Elle surgira sur les vestiges de l’Enfer,
Là où, en toute impunité, des hommes criminels
Jetèrent au feu les espoirs, les cœurs, les vies
D’autres hommes, innocents de tout crime.

L’Enfer, où la vie de Mario,
Giovanni, Michel, Lucia
Valait moins que les sacs d’amiante
Qu’ils vidaient, jour après jour,
Moins que la muraille de poussière
A travers laquelle leurs yeux
peinaient à se reconnaître.

Ici surgira une colline toute neuve.
Il faudra lui donner un nom
Parce que les noms demeurent,
Vivants échos des idées
et des émotions vécues.

LA COLLINE DES FEMMES

C’est ainsi que je l’appellerai :
La colline des ouvrières qui ne sont plus,
Celle des femmes qui n’oublient pas,
Des mères, des épouses,
des filles et des sœurs,
De toutes les compagnes de vie,
Qui, le cœur déchiré, le poing serré,
Jamais ne cessèrent de percer le silence
De ce cri de douleur qui n’a pas de fin.


Articles tirés du Bulletin de l’Andeva N°33 (août 2010)