« Lorsqu’il a su que sa maladie était liée à son travail et au produit qu’il manipulait, le bitume, mon papa nous a demandé que l’Entreprise qui l’avait employé reconnaisse ses torts. Pour lui, mais aussi pour tous les autres qui avaient pu ou étaient encore exposés aux mêmes produits toxiques.
Pour nous, cela a été affreux, les premiers temps, quand nous avons dû raconter l’histoire de mon père, mais c’était pour la bonne cause.
Notre avocat a fait tout de suite le parallèle avec l’affaire de l’amiante et nous avons attaqué l’entreprise pour faute inexcusable.

Un taux de mortalité énorme avant 65 ans

Mon père était directement exposé aux fumées de bitume. Il régulait le débit du bitume et des graviers, ensuite, l’opération a été automatisée. Étrangement d’ailleurs, à partir du moment où la maladie de mon père a été reconnue en maladie professionnelle, son poste de travail a été supprimé.
Les délégués syndicaux de l’entreprise où travaillait mon père nous ont soutenus. Eux aussi se battaient depuis des années pour que les salariés soient mieux protégés. Il y a un taux de mortalité énorme des gens qui ont travaillé en contact avec le bitume, souvent avant 65 ans.

Même si c’est révoltant, nous nous doutions que l’entreprise ferait appel. L’enjeu, comme pour l’amiante, est énorme.

Nous continuons le combat pour sa mémoire

Je sais ce que mon père a vécu. Il a connu plus d’un an de souffrances atroces. Il a travaillé plus de 22 ans dans cette entreprise, personne n’a pris de ses nouvelles. Il est mort, il venait d’avoir 56 ans. Il n’a pas eu droit à sa retraite.

Nous continuons le combat, pour lui, en sa mémoire ; même si nous n’avons pas les mêmes moyens financiers que la partie adverse. Nous n’avons plus rien à perdre, ce qu’il y avait à perdre, nous l’avons déjà perdu. »

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°33 (août 2010)