Elle n’accepte pas que les salariés de l’Éducation Nationale victimes du travail et leurs familles n’aient ni les mêmes droits ni le même suivi médical que ceux du privé.

« Ionas était peintre, explique Lou. Il était prof d’arts plastiques au collège Joseph Vallot de Lodève (34). En 1997, il apprit que le collège allait être détruit et reconstruit. Il savait qu’il y avait de l’amiante dans les murs et les plafonds, très abîmés, dont les trous laissaient voir les tuyauteries. Des analyses avaient confirmé la présence d’amiante chrysotile . Ionas siégeait au CHS. Il demanda le respect des décrets sur l’amiante parus l’année précédente : pas de démolition au bulldozer, un désamiantage sous confinement avec des sas d’accès. Le proviseur du collège minimisa le danger et répondit que cela coûterait trop cher.

Ionas fit signer une pétition et alerta le président du Conseil général. Il obtint que le collège soit désamianté et démoli dans les règles. »

Harcelé pour avoir fait respecter la loi

« Il a eu gain de cause, mais il s’est fait saquer, poursuit Lou. L’inspecteur pédagogique régional lui a collé des notes inférieures à la moyenne nationale. Le proviseur du collège lui a refusé des congés sans solde pour ses expositions de peinture. Il a été victime d’un véritable harcèlement professionnel. Il en a beaucoup souffert. Il se sentait humilié, victime d’une injustice. Il faisait bien son métier. Ses élèves l’appréciaient. Il avait simplement demandé que la loi soit appliquée... »

Le cas n’est malheureusement pas isolé. « J’ai discuté avec une veuve du lycée de Gérardmer, où se déroula l’une des premières luttes sur l’amiante. Son mari avait été, lui aussi, victime de harcèlement et pour les mêmes raisons. »

Reconnu le jour de son décès

Le risque amiante au collège de Lodève était malheureusement bien réel : en 2009 - douze ans après la démolition du collège - Ionas apprit qu’il était atteint d’un mésothéliome, maladie spécifique de l’amiante.

« Il fit aussitôt une déclaration en maladie professionnelle et déposa un dossier au Fiva, raconte Lou. Le professeur Pujol lui avait fait un certificat médical initial. L’Andeva nous aida à constituer le dossier. Le syndicat FSU lui apporta son soutien. »

Apprendre qu’on a une maladie grave causée par l’amiante, quand on a été humilié par ceux qui niaient le danger, est insupportable : « Le premier réflexe de mon mari fut d’aller à la police pour porter plainte contre le principal et l’inspecteur. Mais nous avons réalisé que ce type d’action judiciaire avait peu de chances d’aboutir. »

Sept mois après le diagnostic, le 27 novembre 2009, Ionas reçut la notification de prise en charge de sa maladie contractée en service : son origine professionnelle était reconnue. Il signa l’accusé de réception à midi. Cinq heures plus tard, il avait cessé de vivre. 

« Vous n’avez pas été mariés depuis assez longtemps »

Ionas et Lou avaient vécu ensemble durant des années. Fin 2008 ils décidèrent de se marier. Le mariage eut lieu en juillet 2009. Ionas devait décéder cinq mois plus tard.

Après le décès, Lou prit contact avec le rectorat. « Je m’attendais à percevoir une rente de conjoint survivant, comme cela se passe dans le privé ».

Le rectorat lui répondit qu’elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d’une pension de réversion : « Conformément à l’article L.39 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le droit à pension de réversion est reconnu, à condition que le mariage ait duré au moins quatre années ».

Lou s’adressa au ministère, qui confirma qu’une épouse sans enfant mariée depuis moins de quatre ans n’a droit ni à la réversion de la pension vieillesse ni à la réversion de la rente d’invalidité de son mari.

Malgré plusieurs années de vie commune, d’abord comme compagne puis comme épouse, elle ne percevra rien pour la maladie contractée en service par son mari au cours de ses années d’enseignement. S’il avait travaillé dans le privé, elle aurait perçu une rente.

Décidée à se battre pour elle et pour les autres

Lou n’accepte pas cette injustice. Elle ne peut admettre que les victimes du travail de l’Éducation nationale et leurs familles n’aient pas les mêmes droits que les victimes du privé, pour une maladie professionnelle ou un suivi médical.

Elle a pris un avocat et étudie toutes les possibilités de recours contre la discrimination dont elle et tant d’autres sont victimes.

Des interventions auprès de la Halde, du médiateur de la République, de la Cour européenne de Justice sont envisagées. Si la loi est mauvaise, c’est la loi qu’il faudra changer.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°33 (août 2010)