Il considère comme conforme à la constitution la prise en compte par les
tribunaux des affaires de Sécurité sociale de certains préjudices qui n’étaient indemnisés jusqu’ici que par le Fiva.

Lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue par un Tribunal des affaires de la Sécurité sociale (Tass), une victime du travail voit sa rente majorée et une partie de ses préjudices indemnisée.

Une liste limitative de préjudices indemnisables

Jusqu’alors, seuls les préjudices énumérés dans le Code de la
Sécurité sociale pouvaient être pris en compte par les Tass :
- « préjudice causé par les souffrances physiques et morales »,
-  « préjudices esthétiques et d’agrément »,
- « préjudice résultant de la perte ou de la diminution de possibilités de promotion professionnelle »
(Livre IV, L.452) .

Cette liste étant limitative, les préjudices qui n’y figuraient pas ne pouvaient être indemnisés par cette juridiction.

C’était notamment le cas de certains frais dus à la maladie professionnelle ou à l’accident du travail :
- aménagement d’une maison (ou d’une voiture) pour la rendre plus accessible à une personne handicapée,
- frais médicaux non remboursés par la Sécurité sociale
- assistance non rétribuée apportée par une tierce personne à une victime ne pouvant plus effectuer seule les gestes élémentaires de la vie courante.

La situation n’était pas la même pour toutes les victimes du travail :
- Les victimes de l’amiante qui avaient obtenu la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur pouvaient demander une indemnisation complémentaire au Fiva pour les préjudices non pris en compte par le Tass
- Les autres victimes du travail n’avaient aucun recours pour être indemnisées de ces préjudices.

La décision rendue le 18 juin par le conseil constitutionnel pourrait bien changer la donne.

La question posée par une salariée tétraplégique

Une salariée rendue tétraplégique par un accident du travail avait fait reconnaître la faute inexcusable de son employeur, mais le Tass avait refusé d’indemniser les frais d’aménagement de son appartement occasionnés par son handicap. S’il s’agissait d’un accident de la route, elle aurait été indemnisée, conformément au principe de réparation intégrale des préjudices qui régit le droit commun.

Face à cette injustice, elle a saisi le conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) : cette différence est-elle conforme au principe d’égalité devant la loi qui figure dans le préambule de la Constitution ?

La réponse du Conseil

Le conseil constitutionnel lui a fait une réponse en deux temps :

1) Il estime que la réparation forfaitaire prévue par la loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est conforme à la constitution.

2) Il considère qu’on ne peut s’opposer à ce que les victimes du travail « puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale », sous peine de porter « une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d’actes fautifs ».

L’Andeva salue cette décision et demande que les principes énoncés par le conseil constitutionnel soient rapidement inscrits dans la Loi. Elle invite les victimes et les familles concernées à demander devant le Tass la réparation de tous leurs préjudices, y compris ceux qui ne figurent pas dans la liste du Code de la Sécurité sociale.

Vers la réparation intégrale des préjudices ?

En élargissant la liste des préjudices indemnisables pour les victimes du travail, le conseil constitutionnel a fait un pas vers la réparation intégrale.

Un petit pas seulement, car une différence importante demeure entre une victime de la route qui relève du droit commun et une victime du travail dont l’indemnisation est régie par le Code de la Sécurité sociale :
- La première n’aura pas besoin de prouver l’existence d’une faute pour être indemnisée de tous ses préjudices.
- La seconde ne sera indemnisée de ses préjudices que si elle démontre l’existence d’une faute inexcusable de son employeur, ce qui n’est pas toujours possible.

Quant au montant de son indemnisation, il sera laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond.


 

Qu’est-ce qu’une Q.P.C. ?

Depuis le 1er mars 2010, tout justiciable qui estime qu’une loi est contraire à la Constitution peut saisir le conseil constitutionnel au moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Cette question est transmise par le juge du fond à la Cour de cassation, puis au Conseil constitutionnel, si un certain nombre de conditions soient remplies.


 

Le Conseil constitutionnel

Il comprend neuf membres dont le mandat dure neuf ans et n’est pas renouvelable.

Le Conseil constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois ans.

Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois
par le président de l’Assemblée nationale, trois par le président du Sénat.

En plus de ces neuf membres les anciens Présidents de la République en font partie à vie.


Articles tirés du Bulletin de l’Andeva N°33 (août 2010)