Acaata : réforme ou démolition ?

Pour être juste, une réforme des retraites doit respecter deux principes :
- Ceux que leur travail fera mourir plus tôt doivent cesser de travailler plus tôt.
- Si deux salariés ont eu la même exposition professionnelle, ils doivent avoir les mêmes droits.

Ces principes, la Fnath, l’Andeva et toutes les organisations syndicales les ont défendus ensemble, lors de la mission Le Garrec chargée de travailler sur une réforme de l’Acaata.

Elles ont proposé la création d’un système complémentaire au dispositif existant géré par un organisme public, pour ouvrir une voie d’accès individuelle et collective, sur des critères d’exposition.

Le gouvernement a demandé à l’Igas d’étudier la faisabilité d’une voie d’accès individuelle. Mais, au même moment, il envisage une remise en cause du système existant.

En 2005, la Cour des comptes proposa de réformer l’Acaata au lance-flammes : en virant les personnes exposées pour ne garder que les malades.

C’est sur cette proposition, rejetée jusqu’ici par toutes les missions parlementaires, que Nicolas Sarkozy a dit « s’interroger »...


 

Une inquiétante déclaration de Nicolas Sarkozy

Lors de sa visite des chantiers navals de Saint-Nazaire, le 23 juillet dernier, le président de la République a dit que « pour tous ceux qui sont touchés par l’amiante, il n’y aura aucun changement » avec la réforme des retraites. Mais il a aussitôt ajouté : "on va avoir des discussions pour tous ceux qui ont été exposés à l’amiante mais n’ont pas été touchés", indiquant avoir "demandé une expertise sur le sujet".

Ces propos ont provoqué une vive inquiétude parmi les salariés exposés à ce matériau cancérogène et qui attendent de pouvoir partir avec l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante (Acaata).


 

« Limiter l’accès aux seuls malades, c’est exclure 90% des salariés éligibles à l’Acaata »

Alain Guérif a écrit au Président de la République : « …Si nous avons bien saisi le sens de votre intervention, vous vous interrogez sur l’intérêt d’établir une distinction entre les « personnes touchées par l’amiante » et les personnes qui ont été simplement « exposées », pour être éligibles à la préretraite amiante ».

Une telle mesure viderait le dispositif de sa substance.

« Opérer une telle distinction reviendrait à remettre en cause le fondement même de l’Acaata. En effet, cette préretraite a été créée pour compenser la perte d’espérance de vie des salariés qui ont été exposés à l’amiante (…) Une telle mesure viderait totalement le dispositif de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante de sa substance, puisque 90 % environ des allocataires y entrent par la voie de l’exposition et 10 % seulement en raison de leur pathologie professionnelle (…) »

« L’exposition à l’amiante, comme à l’ensemble des substances cancérogènes, provoque des pathologies qui surviennent longtemps après l’exposition, souvent après l’âge de la retraite. Un système de préretraite basé uniquement sur la reconnaissance d’une pathologie professionnelle serait donc inopérant. (…) »

« Ajoutons qu’un tel
dispositif, assorti d’un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 20 %, comme le prévoit votre gouvernement, est encore plus inepte : à ce niveau-là d’IPP, les malades de l’amiante, comme d’ailleurs la plupart des personnes reconnues en maladie professionnelle, ne sont plus au travail, mais en invalidité ou en inaptitude médicale. »

« (…) A maintes reprises, vous avez déclaré que la réforme des retraites se devait d’être juste.
Pour mériter un tel qualificatif, il nous semble que le schéma proposé doit absolument respecter un principe fondamental : ceux qui vont mourir plus tôt à cause de leurs expositions professionnelles passées doivent cesser de travailler plus tôt.
Il est incontestable qu’au premier rang de cette catégorie figurent les personnes exposées à l’amiante (...) »

« Le lobbying des industriels et le laisser-faire des autorités sanitaires sont responsables de l’ampleur du drame. Il est donc parfaitement légitime que les uns et les autres en assument les conséquences, y compris celle de permettre à ceux qui doivent vivre le restant de leurs jours avec cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête, de pouvoir bénéficier d’un minimum de retraite ».


 

Profiter de sa retraite

Le cancer broncho-pulmonaire est le plus fréquent des cancers de l’amiante. Il a souvent un pronostic sombre et une évolution rapide. L’âge moyen du diagnostic est de 63 ans.

Combien de victimes atteintes de cette pathologie profiteront de leur retraite, si on les fait travailler jusqu’à 62 ans avant qu’elles ne tombent malades ?


 

Des propositions pour rendre la "pré-retraite" amiante plus équitable

« L’amiante représente l’exposition professionnelle la mieux renseignée.
Techniquement, il est donc parfaitement possible de bâtir un dispositif complémentaire au dispositif actuel, trop grossier, pour permettre à l’ensemble des personnes exposées de façon significative à l’amiante, de bénéficier d’une cessation anticipée d’activité. C’est le sens de la réforme que nous réclamons avec la Fnath et l’ensemble des organisations syndicales »
, écrit Alain Guérif, dans sa lettre au président de la République.

Cette proposition commune de réforme a pour objectif de bâtir un système juste et pérenne géré par un organisme public, avec une voie d’accès individuelle et collective basée sur les expositions à l’amiante. Il s’agit de compléter le système existant et non de le remplacer ni de réduire l’accès aux malades..

Les propositions communes Cfdt, Cftc, Cfe-Cgc, Cgt, Fo, Fnath, Andeva sont en ligne sur le site de l’Andeva.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°33 (août 2010)