Pour la première fois en France la cour de cassation a reconnu le 11 mai l’existence d’un préjudice d’anxiété pour les personnes exposées à ce poison.

Il est difficile de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, en sachant qu’on a inhalé des fibres qui peuvent provoquer des maladies mortelles, difficile d’accompagner des collègues atteints d’un cancer sans se poser la question : qui sera le prochain ?

Ce préjudice est enfin pris en compte par la justice. Le principe est acquis. La mise en œuvre, fera sans doute débat.

L’amiante abrège la vie.

C’est ce constat qui fonda la création de l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante (Acaata), votée à l’assemblée il y a 12 ans. « Chacun connaît le drame qui frappe les victimes de l’amiante » disait alors la Ministre de l’Emploi et de la Solidarité aux députés. « Le bénéfice de la retraite s’épuisera plus vite pour eux que pour toutes les autres catégories de la population ».

L’amiante venait d’être interdit. Le pays découvrait l’ampleur de la catastrophe sanitaire. L’amendement du gouvernement créant l’Acaata fut voté à l’unanimité. Aucun député n’osa s’y opposer.

Douze années ont passé.

La réforme des retraites sera au cœur des préoccupations de la rentrée. La question de l’avenir de la cessation anticipée amiante sera posée.Après avoir lu le projet de loi sur les retraites et entendu les déclarations de Nicolas Sarkozy sur l’Acaata à Saint-Nazaire, nous avons toute les raisons d’être inquiets.

Inquiets parce que cette réforme des retraites risque une fois de plus d’être payée au prix fort par les plus démunis.

Inquiets parce qu’en matière de pénibilité elle ne prend en compte que les salariés reconnus en accident du travail ou en maladie professionnelle, ayant un taux d’incapacité d’au moins 20%. Elle ignore ceux qui ont été exposés à des cancérogènes et exclut la grande majorité des victimes du travail.

Inquiets parce que la réforme de l’Allocation de cessation anticipée amiante risque non seulement de ne pas corriger des injustices du système, comme le réclamaient l’Andeva, la Fnath et toutes les organisations syndicales, mais encore d’en remettre en cause les fondements, en limitant son accès aux malades.

L’Andeva a soutenu les manifestations unitaires du 24 juin et du 7 septembre sur les retraites. Pour défendre et améliorer la « pré-retraite amiante » et pour marquer sa solidarité avec tous les salariés dont le travail risque d’abréger la vie.

La rentrée de l’Andeva s’annonce chargée :

- La discussion sur la réforme de l’Acaata aura lieu lors du débat parlementaire sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui s’ouvrira à l’automne .

- Le procès pénal de l’amiante est menacé. La chancellerie fait pression sur la juge d’instruction : elle s’oppose à la saisine globale, seule procédure permettant de prendre en compte l’ensemble des victimes, et veut exclure des dossiers considérés à tort comme prescrits.

- Les recommandations sur le suivi post-professionnel des personnes exposées à l’amiante, élaborées sous l’égide de la Haute Autorité de Santé, préconisent le scanner comme examen de référence, l’envoi d’un questionnaire d’exposition à tout nouveau retraité et une visite médicale de départ avant la retraite. Les pouvoirs publics et la Caisse nationale d’assurance maladie les ont réclamées mais ne souhaitent pas les appliquer.
Au Fiva un délai de prescription inadapté aboutit à rejeter 600 dossiers, privant les personnes concernées de tout droit à indemnisation.

Les raisons d’agir ne manquent pas.

Le 9 octobre, à l’appel de l’Andeva, aura lieu la manifestation nationale des victimes de l’amiante à Paris.

Le 19 octobre, 200 veuves et victimes de l’amiante seront reçues à l’Assemblée nationale par des députés de toutes obédiences.

Alain BOBBIO
Alain GUERIF

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°33 (août 2010)