L’histoire de l’amiante au Canada est celle d’un énorme succès économique qui tourne au cauchemar. C’est aussi l’histoire d’un crime industriel.

Un succès qui tourne au cauchemar

Comment un pays riche et chaleureux a trompé sa population et le reste de la planète en empoisonnant des millions de personnes, par appât du gain, les gains générés par la vente de quelques 60 millions de tonnes d’amiante disséminées à travers le monde.

Comment un groupe d’industriels, épaulé par des scientifiques véreux et soutenu par gouvernement a caché la dangerosité de l’amiante, sachant que les terribles maladies de l’amiante se développent longtemps après l’exposition aux poussières meurtrières.

La faillite économique

L’amiante fut jadis un commerce florissant au Canada. L’exploitation a commencé à la fin du XIXème siècle. Dans les années 50-60 elle a employé jusqu’à 6000 mineurs et produit plus d’un million de tonnes par an.

En 1996 – année de l’interdiction de l’amiante chrysotile en France – le Canada ne produisait déjà « plus que » 500 000 tonnes d’amiante exporté pour environ 230 millions de dollars ; en 2008 la production est descendue à 180 000 tonnes pour 110 millions de dollars.

Aujourd’hui la compagnie Mine Jeffrey Inc. annonce 250 employés et un chiffre de vente à l’export de 25 à 50 millions de dollars. Les mines sont en fait depuis plusieurs années sous la protection de la loi sur les faillites (joliment baptisée au Canada Loi sur les arrangements avec les créanciers).

L’industrie de l’amiante, aujourd’hui moribonde est maintenue sous perfusion par les pouvoirs publics canadiens. En septembre 2010 le juge Tôth de la Cour supérieure a condamné la mine Jeffrey d’Asbestos à verser plus d’un million de dollars à la Caisse de dépôt et placement du Québec pour une dette de 2004.

La ville d’Asbestos (amiante en anglais) incarne ce déclin : la mine Jeffrey d’où sont sortis plusieurs millions de tonnes d’amiante a englouti depuis longtemps l’église historique de la ville et pas mal de maisons mais les millions de dollars des exportations d’amiante sont partis ailleurs, la plupart des écoles ont fermé. Aujourd’hui la ville compte 7000 habitants dont certains meurent d’amiante, mais on préfère ne pas en parler ou accuser le tabac. Le régime des retraites des mineurs est au bord de la faillite.
Depuis les licenciements massifs des années 80, la mine ne crée plus d’emplois. Les employés de la mine Jeffrey ont aujourd’hui une moyenne d’âge supérieure à 56 ans.

Les habitants d’Asbestos, intoxiqués par les mensonges cyniques de l’industrie minière, défendent néanmoins mordicus « leur » mine et « leur » amiante, sans réaliser qu’elles causeront des centaines de milliers de morts sur la planète.

La faillite morale

Les industriels canadiens sont depuis des décennies sourds aux injonctions d’organismes internationaux comme le Bureau International du Travail (BIT) ou l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui préconise d’arrêter l’utilisation de l’amiante ; ils peuvent invoquer comme excuse le soutien indécent des autorités gouvernementales canadiennes.

Les industriels, le ministre de la santé du Québec, Monsieur Bolduc, le premier ministre du Québec, Monsieur Charest, tout comme le premier ministre du Canada, Monsieur Harper, ont été interpellés à de nombreuses reprises par la société civile et les autorités médicales et de santé publique canadiennes.

La réponse des industriels a été le plus souvent des insultes et du dénigrement, la réponse des officiels le silence.


POUR EN SAVOIR PLUS

Voir un très intéressant reportage de Marc Thibodeau, « la ville de l’or blanc », paru dans la revue XXI (automne 2010).

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°34 (janvier 2011)