Comment la douleur des malades de l’amiante est-elle prise en compte par les médecins ?

Dans notre Hôpital, les oncologues de L’Institut Gustave Roussy, sont formés à la prise en charge de la douleur. Et cela fonctionne pour 90% des patients.

Les traitements s’appuient sur des opioïdes, (morphine, oxycodone, saintamil, etc.) et des morphiniques. Associés à d’autres médicaments, ils permettent de gérer la plupart des douleurs.

Cependant, il peut y avoir parfois des problèmes de tolérance à ces traitements ou bien leurs effets peuvent se révéler insuffisamment efficaces.

Il faut alors réévaluer les traitements et c’est le centre d’évaluation de la douleur qui s’en occupe.

Dans ces cas plus extrêmes, on prend en compte les mécanismes de la douleur et l’on examine d’autres possibilités comme par
exemple des traitements topiques, (qui s’appliquent localement) ou des techniques non médicamenteuses, comme la neurostimulation transcutanée, l’acuponcture, l’auriculothérapie...

En fonction des degrés de la douleur cela peut être des techniques plus complexes d’anesthésie locaux-régionales ou des associations de médicaments.

Le traitement que l’on choisit est fonction des types de douleurs endurées et de ce que souhaite le patient.

En quoi les douleurs issues des maladies de l’amiante sont-elles spécifiques ?

Lorsque ces maladies touchent la plèvre, les douleurs qui en résultent peuvent être assez intenses et souvent difficiles à supporter par
les patients. Elles peuvent être simplement réactivées par la respiration, l’essoufflement, ou même des mouvements du tronc ou du corps.

La plèvre est une zone assez sollicitée et très innervée et qui a tendance a donner des douleurs plus vives que dans le cas d’un cancer du poumon.
C’est le cas pour toutes les atteintes pleurales, mais encore davantage pour le mésothéliome.

La douleur de ces malades est-elle prise en compte dans les hôpitaux ?
Aujourd’hui, les médecins oncologues sont habitués à prendre en charge ces douleurs et mettent en place des traitements de deuxième et troisième niveau.

Si les douleurs sont particulièrement rebelles, ils nous les adressent.
Nous évaluons alors les douleurs des patients ; cela comprend un examen clinique poussé, une discussion avec les patients pour comprendre les mécanismes de la douleur et nous leur proposons un traitement adapté et personnalisé.

Et si le médecin n’évoque pas ce sujet avec le patient, que faut-il faire ?
Parfois lorsque les patients ont rencontré un ou deux soignants qui n’ont pas su réagir, ils arrêtent d’évoquer leurs souffrances. Ils sont alors privés de ces traitements qui pourraient les soulager.

Je leur conseille de ne pas perdre courage et toujours essayer de décrire ce qu’ils ressentent aux médecins traitants, aux oncologues, aux infirmières. C’est le seul moyen d’alerte.

Si on ne peut pas soulager toutes les douleurs, dans la majorité des cas, on parvient à donner du mieux être aux patients.

De plus, nos traitements antidouleur ne vont pas du tout à l’encontre de traitements du cancer, il ne faut pas avoir peur des traitements morphiniques, qui sont les plus efficaces.

En quoi est- il important de traiter la douleur ?

C’est très important parce qu’elle ne sert qu’à gâcher la vie des patients et de leur famille. Elle est complétement inutile une fois que le diagnostic a été posé.

On surveille un mésothéliome à l’aide de scanners et par la progression de la douleur. ll n’y a donc aucune raison de ne pas la traiter.

Un patient peut-il s’adresser directement à un centre anti-douleur ?

On ne peut pas suivre directement des patients. Ils doivent nous être adressés par les médecins, et c’est le cas de toutes les structures antidouleur, mais ils peuvent insister, s’ils se sentent insuffisamment pris en charge, pour que nous soyons en contact et aidions par exemple à la prescription.

Chaque centre antidouleur a-t-il une spécificité ?

Certains centres peuvent avoir une spécialité particulière comme par exemple les douleurs cancéreuses, mais globalement, tous les centres doivent pouvoir prendre en charge les douleurs liées aux maladies de l’amiante.

Tous les hôpitaux disposent-ils d’un centre anti-douleur ?

Non, mais chaque hôpital doit posséder un référent antidouleur, une consultation douleur ou une unité douleur.

Il y a aussi maintenant l’obligation d’avoir un CLUD, un comité de lutte contre la douleur qui doit aider à développer des protocoles au sein de l’établissement pour prendre en charge la douleur.

L’organisation en institut reste rare car elle implique un centre de recherches de formation, une capacité d’hospitalisation et de possibilité de pratiquer le geste complexe.

La problématique des centres antidouleur est- elle du même ordre que celle des centres de soins palliatifs ?

Nous menons un travail conjoint : des évaluations globales de patients, mais nos problématiques ne sont pas superposables.

Nous avons besoin de l’aide des palliatologues pour construire des projets de soins palliatifs et faire des évaluations plus globales. Ils ont besoin des algologues pour aider leurs patients.

Sommes-nous actuellement en retard ou en avance sur le traitement de la douleur ?

Elle est davantage prise en charge mais elle n’est pas moins fréquente. Avec l’évolution des pathologies, il faut toujours poursuivre les efforts.
La douleur va souvent plus vite que la progression des traitements.
Il est vrai que nous sommes peu nombreux, qu’il y a peu de centres de formation permanente.

Pourquoi avoir choisi cette spécialité ?

Parce que les gens me passionnent, et la douleur est un problème complexe et global qui nécessite une écoute particulière. C’est un exercice difficile mais très riche.

Les vocations ne sont pas toujours au rendez vous, parce qu’il n’y a pas assez de centres ou de possibilité d’en créer.

Cela reste une spécialité de militant ! Il faut sans cesse réexpliquer, au delà du symptôme, aller au devant des patients, au delà de la honte qu’ils peuvent ressentir à parler de leurs souffrances.

Propos recueillis par
Léa Veinberg


 

Définitions

- Oncologue : médecin spécialiste du cancer.
- Algologue : spécialiste du traitement de la douleur
- Palliatologue : spécialiste des soins palliatifs
- Neurostimulation : stimulation électrique d’un nerf
- Auriculothérapie : acupuncture auriculaire
- CLUD : Comité de lutte contre la douleur.

(Voir : http://www.cnrd.fr/Recommandations-relatives-a-l.html)


 

Les centres anti-douleur

Le centre anti douleur est un établissement médical où sont reçu les patients souffrants de douleur chronique afin d’évaluer et mettre en place des traitements antalgiques spécialisés.

Ces consultations anti-douleur se trouvent en général dans les hopitaux et sont réalisées par des algologues.

Les coordonnées de tous les centres, unités et consultations anti-douleur de France sont accessibles sur Internet :

http://www. pudendalsite.com/centre-anti-douleur.html


 

Pour en savoir plus

- Médecine de la douleur, H. Rubinstein, Robert Laffont, 1988.
- Le médecin, le patient et sa douleur, P. Queneau, G. Ostermann ,
Masson, 1993.
- Histoire de la douleur, R. Rey, La Découverte,1993.
- Soulager la douleur, P. Queneau, Ostermann G., Odile Jacob, 1998.
-  Le phénomène de la douleur, Comprendre pour soigner,
S. Marchand, Masson, 1998.
- Devant la douleur des autres, S. Sontag, Christian Bourgois, 2003
-  Penser l’humain à l’aune de la douleur, O. Levy, L’Harmattan, Paris, 2009
- Expérience de la douleur, D. Le Breton Editions Métailié, 2010

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°34 (janvier 2011)