Les données disponibles sont parcellaires. Ce problème n’a pas été beaucoup étudié, parent pauvre de la recherche médicale. Il y a surtout des études chez l’animal et quelques études chez l’homme. Une étude récente affirme que l’on trouve des fibres d’amiante dans de nombreux organes des personnes exposées avec des taux particulièrement élevés au niveau du rein et du foie et même au niveau du cerveau mais à un taux moindre. Il faut par ailleurs rappeler une étude déjà ancienne relatant la présence de fibres d’amiante au niveau du colon de personnes exposées à l’amiante et victimes d’un cancer du colon. Aussi nous proposons les explications suivantes, mais sous toute réserve dans la mesure où il s’agit d’un sujet en devenir.

Les fibres d’amiante inhalées se déposent tout le long des bronches, les plus petites atteignant les alvéoles.

Les systèmes d’épuration et leurs limites

Au niveau des bronches il existe un système d’épuration des fibres (et des poussières) consistant en la production de mucus par le revêtement des bronches. Ce mucus enrobe les fibres et le battement des cils, dont est doté le revêtement, en assure le transport vers le haut (= transport muco-ciliaire) jusqu’au carrefour entre l’appareil respiratoire et le tube digestif, qui se situe au niveau du pharynx. Les fibres sont ensuite avalées et transitent dans le tube digestif.

Résultent sans doute de cette voie de transport les atteintes du larynx (où les fibres passent deux fois, à l’aller et au retour), de l’hypopharynx (début du tube digestif après le carrefour), de l’estomac et du colon.
Au niveau des alvéoles les fibres qui ont pu y parvenir sont accueillies par les macrophages, cellules mangeuses, qui vont s’efforcer de les épurer, mais les résultats ne sont pas toujours à la hauteur, des fibres restant libres. A partir de ce moment là, les fibres vont emprunter trois voies différentes.

Les voies de circulation des fibres dans l’organisme

Les fibres libres, ou même transportées par les macrophages souvent mal en point, s’enfoncent profondément dans le poumon et gagnent la région pleurale.

Elles vont s’y s’accumuler notamment au niveau de bouches d’évacuation vers le réseau lymphatique situées au niveau du feuillet pariétal, avec la possibilité de partir dans le réseau lymphatique. Il existe donc une voie de dissémination directe dans le tube digestif. Elles peuvent aussi être absorbées par les cellules du revêtement de la plèvre, les cellules mésothéliales, qui jouent aux cellules mangeuses.
C’est effectivement au niveau de la plèvre que les fibres d’amiante provoquent de gros dégâts, sachant qu’elles peuvent y séjourner de nombreuses années (on parle de biopersistance).

C’est à partir de la plèvre située du côté du cœur (appelée plèvre médiastinale) que les fibres gagnent le feuillet pariétal du péricarde, après avoir traversé une coque fibreuse et sont responsables de la survenue des plaques péricardiques et du mésothéliome péricardique.

La deuxième voie de dissémination des fibres d’amiante est constituée par la migration des macrophages chargés de fibres d’amiante dans le système lymphatique qui rejoint à un certain moment la circulation sanguine. Le taux de fibres d’amiante au niveau des ganglions situés sur les voies de drainage du poumon est élevé chez les personnes exposées.
Des voies de passage directes entre le réseau lymphatique du thorax et celui de l’abdomen sont sans doute un facteur de dissémination des fibres d’amiante vers l’abdomen avec risque de mésothéliome du péritoine, en rappelant la propension des cellules mésothéliales à vouloir manger les fibres d’amiante.

La troisième voie de transport des fibres d’amiante dans l’organisme est la circulation sanguine, les fibres d’amiante n’ayant aucune difficulté à pénétrer dans les nombreux capillaires sanguins entourant les alvéoles. Cette voie de transport est sans doute la plus efficace pour transporter les fibres d’amiante au loin dans l’organisme.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°35 (avril 2011)

Dr L.P