La reconnaissance d’un préjudice d’anxiété par la cour de cassation ouvre de nouvelles perspectives de travail pour les associations de l’Andeva, mais aussi pour les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et tous les délégués du personnel soucieux de la santé au travail.
Elle peut être un bon outil au service de la prévention des risques pour l’amiante, mais aussi pour d’autres produits dangereux utilisés en milieu professionnel dont les effets délétères sur la santé peuvent apparaître plusieurs années, voire plusieurs décennies après l’exposition.

Au pénal, le préjudice d’anxiété n’est pas une nouveauté. En application de l’article 223-1 du Code pénal sur la mise en danger d’autrui 160 salariés d’Alstom Power Boilers, soutenus par les syndicats et l’Ardeva 59-62, ont fait condamner l’employeur par le tribunal de Lille puis par la Cour d’appel de Douai.
La nouveauté dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 mai, c’est qu’il légitime la compétence d’une juridiction civile (le conseil de prud’hommes), en considérant que le non respect par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat relève de l’exécution du contrat de travail, en application de l’article L. 1411-1 du Code du travail, qui définit la compétence de la juridiction prud’homale.

Ce n’est ni la sanction d’une faute pénale par un tribunal correctionnel, ni la réparation d’un préjudice lié à une maladie professionnelle par le tribunal des Affaires de Sécurité sociale.
Ici, le préjudice ne provient pas d’une pathologie, mais d’une contamination, ou plus exactement du fait d’avoir inhalé des fibres d’amiante et de devoir vivre avec la conscience anxieuse d’un risque permanent de pathologie grave.
En matière de prévention, les conséquences sont très importantes : plus besoin d’attendre 30 ans que survienne une maladie pour mettre en cause la responsabilité de l’employeur. Pour engager une action devant les prud’hommes, le constat d’un dommage avéré n’est pas nécessaire. Le constat d’un risque de dommage résultant du non respect par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat est suffisant.
Pour les anciens salariés de l’Ahlstrom et de ZF Masson, la cour de cassation a retenu que valait preuve d’exposition le fait d’avoir travaillé dans un établissement "mentionné à l’article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel". La reconnaissance de ce préjudice concerne au premier chef les salariés et les retraités, bénéficiaires ou non de l’Acaata, dont l’établissement est sur cette liste.

Mais il peut être judicieux d’engager des actions aux prud’hommes pour des salariés, anciens ou actuels, d’un établissement dont l’inscription a été refusée malgré un dossier solide (empoussièrement important, nombreuses victimes, faute inexcusable de l’employeur reconnue).
Un nouveau champ d’action s’ouvre pour les associations de l’Andeva. Certaines ont informé par voie de presse les salariés et retraités concernés de ce droit. Des procédures sont en cours. Les premiers résultats commencent à tomber (voir ci-contre).
Le combat judiciaire continue. La question du préjudice économique sera de nouveau plaidée devant les cours d’appel de renvoi.
En tout état de cause, pour les personnes qui ont inhalé des fibres d’amiante, qu’elles soient ou non parties en Acaata, les troubles dans les conditions d’existence résultant de la contamination ne se résument pas à l’anxiété. Ils doivent être tous pris en compte et indemnisés.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°35 (avril 2011)