Dans le procès "Chirac" des emplois fictifs de la mairie de Paris, le président du tribunal a saisi la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur ce que les juristes appellent la « connexité ». La Cour de cassation devra décider si elle transmet ou non cette question au Conseil constitutionnel.

L’Andeva est aussitôt montée au créneau en soulignant qu’une telle démarche pourrait remettre en cause la jurisprudence de la Cour de cassation sur le délai de prescription avec de très lourdes conséquences pour l’instruction de l’affaire de l’amiante et d’autres affaires de santé publique.
Dans l’affaire de l’amiante, les plaintes originales ont été déposées en 1996. S’agissant des délits de blessures et homicides involontaires, la prescription est de trois ans.

Comme dans l’affaire du sang contaminé, toute la question est de savoir quels seront les faits pris en compte et quelles seront les victimes incluses dans l’instruction conduite par le pôle judiciaire de santé publique :
Les seules victimes qui se sont constituées parties civiles à l’époque et dont la maladie ne remontait pas à plus de trois ans, ou l’ensemble des victimes de cette catastrophe sanitaire qui sont apparues depuis, soit plusieurs milliers de morts et plus encore si l’on y ajoute les malades ?
La Cour de cassation a toujours admis que la connexité entre deux affaires interrompait le délai de prescription. Si ce principe était remis en cause par le Conseil constitutionnel, la justice n’aurait à se prononcer que sur la responsabilité de personnes mises en cause pour quelques dizaines de victimes. Le procès de la plus importante catastrophe sanitaire jamais connue en France perdrait son sens.
Les malades de l’amiante et les familles des personnes décédées se battent depuis des années pour que les responsables soient jugés par un tribunal correctionnel. L’instruction est entravée par le manque de moyens des magistrats, l’absence de volonté politique des pouvoirs publics et l’inertie voire l’hostilité du parquet et de la Chancellerie. La remise en cause de la jurisprudence sur la prescription serait un déni de justice. Elle signifierait que l’on peut impunément faire courir des risques insensés à des populations entières, sans avoir de comptes à rendre.
L’Andeva a demandé aux magistrats de la Cour de cassation de ne pas transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel. Dans le cas où cette transmission serait faite, l’Andeva demanderait au Conseil constitutionnel à être entendue, comme le prévoit le règlement intérieur de cette institution.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°35 (avril 2011)