Des patrons délinquants en correctionnelle

Les tribunaux retiennent régulièrement la mise en danger d’autrui contre des chefs d’entreprise qui exposent leurs salariés à l’inhalation de poussières d’amiante. Dans ces procédures syndicats, CHSCT et associations peuvent se porter partie civile.

LORIENT

Les gendarmes font des découvertes

Le patron d’une entreprise de désamiantage du Morbihan (115 salariés) passera le 11 mai devant le tribunal de grande instance de Lorient, a indiqué le procureur de la République de Lorient à l’AFP.
L’inspection du travail avait relevé de multiples infractions (absence de formation des opérateurs, protections individuelles inadaptées, etc.)
L’enquête de la gendarmerie de Pontivy et l’Oclaesp (Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique) a révélé de nombreuses entorses au droit du travail et des dépôt sauvage de déchets d’amiante par camions-bennes dans les champs .
L’employeur avait mis son entreprise en liquidation judiciaire fin 2010. Pour continuer son activité de désamiantage, il avait monté une autre société dont sa femme était la gérante. Le couple a été placé en garde à vue. L’homme est poursuivi pour « mise en danger de la vie d’autrui, faux et usage de faux, élimination irrégulière de déchets d’amiante, banqueroute », sa femme pour « complicité de banqueroute ».

NANCY

Un désamiantage hors normes

Le patron de la SARL Hollinger, une société de désamiantage est passé le 22 mars devant le tribunal correctionnel de Nancy pour avoir exposé des salariés de l’entreprise Renault de Laxou aux poussières d’amiante lors d’un chantier en juillet 2008 .
« Les membres du CHSCT sont intervenus car toute une série d’obligations n’étaient pas respectées. Le CHSCT n’avait pas été informé du démarrage du chantier », expliqua l’avocat des différentes parties civiles, CGT, CFDT, membres du CHSCT et Addeva 54.
« Les ouvriers de la SARL Hollinger étaient en bleu de travail. Ils ne portaient ni masques, ni combinaisons. Les locaux n’étaient pas correctement confinés. De la poussière noire passait sous la porte de la pièce à désamianter ! » expliqua dans un témoignage accablant le contrôleur du travail, qui s’était rendu sur place.
L’avocat de la défense l’accusa de mensonge et soutint que le confinement avait été arraché par les membres du CHSCT !
Deux ouvriers SARL Hollinger, (encore sous l’autorité de leur patron) vinrent spontanément jurer leurs grands dieux que toutes les consignes de sécurité étaient respectées sur ce chantier exemplaire...
Le procureur, manifestement pas convaincu, décida de requérir deux mois de prison avec sursis ainsi que 2 000 euros d’amende contre le chef d’entreprise.

L’avocat de ce dernier réclama la relaxe.

Le tribunal condamna finalement l’employeur à 3 000 euros d’amende. Il devra verser un euro symbolique de dommages et intérêts à chacune des parties civiles.
Cette condamnation est une incitation à la prévention dans cette activité à haut risque. On peut regretter qu’elle n’ait pas été assortie d’une peine de prison avec sursis comme l’avait souhaité le procureur.



RISQUE AMIANTE

Un accord de branche pour des formations au rabais

Un accord de branche sur « les travaux sur les canalisations en amiante ciment à l’extérieur » a été conclu le 1er décembre 2010 dans le cadre de la convention collective nationale des services d’eau et assainissement.

Certaines dispositions sont dérogatoires à la réglementation.

L’arrêté du 22 décembre 2009 prévoit en effet une formation au risque amiante de cinq jours pour le personnel d’encadrement et deux jours pour les opérateurs.
Sous prétexte de l’adapter « aux particularités des con-ditions de travail de la branche », l’accord signé par deux organisations syndicales réduit la durée de cette formation à une seule journée et demande au ministère d’étendre cette disposition !
L’Andeva a alerté le directeur général du travail : cette révision à la baisse pour réduire les coûts, donnerait un « caractère sommaire et symbolique » à cette formation. « Les salariés qui travaillent au contact de l’amiante en place ont déjà payé un lourd tribut de maladies et de morts. N’allongeons pas la liste ! »


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°35 (avril 2011)